
Malgré la poursuite des travaux de l’A69, l’économiste Geneviève Azam assure que rien n’est joué et que la lutte doit continuer. « Ce n’est plus seulement une question d’autoroute, mais un refus de son monde », pense-t-elle.
(...) Les médias en parlent moins mais ils ne sont pas le baromètre de l’action. Malgré la poursuite des travaux et la répression, le combat ne s’émousse absolument pas. Les personnes engagées ne sont pas prêtes à lâcher. Les fatigues passagères, après tant d’efforts déployés ces derniers mois, ne signifient pas renoncement. On dit que le gouvernement est obstiné, mais la lutte l’est aussi, alimentée par le spectacle obstinément durable de la dévastation. Il y a de la colère, de la tristesse mais pas de désespoir. (...)
Des « écureuils » [surnom des opposants à l’A69] ont occupé récemment des arbres, des manifestations se déroulent à Toulouse, il y a des actions et rassemblements sur le terrain et des cantines se structurent pour nourrir la lutte. Un lieu, le Labo des terres, est en construction. La multinationale « verte » Pierre Fabre est dans l’œil du cyclone.
La lutte s’approfondit et s’ancre davantage sur le territoire. (...)
Après des mois de mobilisations, le projet a perdu toute sa légitimité, il apparaît pour ce qu’il est : un projet hors-sol et écocidaire, un caprice d’aménageurs, le dernier gadget de pouvoirs bornés et obscurantistes, une rente certaine pour quelques-uns et la désolation pour les autres. (...)
L’indifférence et la fatalité se sont transformées en opposition. Un récent sondage Ifop a montré que 61 % des personnes du Tarn et de la Haute-Garonne sont contre l’autoroute.
« Une rente pour quelques-uns, la désolation pour les autres » (...)
La lutte permet de faire corps, elle crée un sentiment diffus de communauté, elle rompt l’isolement. Le rapport au territoire en est transformé et la nécessité de le défendre devient vitale. (...)
Les recours juridiques sur le fond n’ont pas encore été examinés et les travaux doivent encore durer des années. Rien n’est joué. Surtout, je ne crois pas qu’il faille se poser cette question – celle de la victoire ou de la défaite — de manière pseudo-rationnelle et en surplomb. Dans l’Histoire, il y a toujours des événements imprévus, imprévisibles, des moments où tout s’accélère. Nous sommes à un de ces points de bascule avec la catastrophe écologique et ses impacts sociaux et politiques. Ce qui constituera l’avenir nous est en partie inconnu. (...)
Au fond, comment voulons-nous vivre, faire société et habiter la Terre ? C’est précisément à ce type d’interrogations que les autorités politiques et économiques en place ne savent pas répondre. C’est non négociable pour elles. (...)
et ils entendent bien faire perdurer leur pouvoir en usant de la force contre celles et ceux qui s’opposent. La parole de la population n’a pas de valeur, celle des scientifiques non plus. Elles ne sont que des éléments de langage. (...)
Pour reprendre un dicton des Zapatistes, « nous avançons en marchant ». Il n’y a pas de plan de lutte préétabli ou d’idéologie unificatrice qu’il faudrait suivre au pied de la lettre. (...)
Je crois que la lutte ne gagnera pas toute seule. Elle s’inscrit dans un combat plus vaste et plus large, dont elle est devenue un des symboles. Ce qui se joue actuellement avec les bassines et Les Soulèvements de la Terre amplifie la contestation en lui donnant aussi un horizon. Comme ce qui se passe avec la Déroute des routes — un collectif qui coordonne une série de mobilisations locales contre les nouveaux projets routiers en France. Les luttes s’ensemencent mutuellement. (...)
Ce n’est pas simplement une convergence. Je parlerais plutôt d’hybridation, de composition de collectifs aptes à faire face à la destruction des mondes vivants, de partage d’une sensibilité qui résiste au monde mort du béton. L’appel national du 8,9 et 10 décembre à mener des actions contre l’entreprise Lafarge, signé par 180 associations et collectifs, va dans ce sens. L’industrie du béton est à l’œuvre dans des centaines de projets nuisibles et criminels partout sur le territoire et ailleurs. (...)
Nos luttes sont locales, matérielles, elles sont ancrées et solides, sans être « localistes », ruralistes ou identitaires. Elles sont des points d’ancrage à partir desquels nous rejoignons celles et ceux qui défendent des terres et des milieux de vie, des milieux habités, divers et ouverts.