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slate/Monique Pinçon-Charlot, sociologue
Comment les ultrariches tentent de sauver leur peau face au changement climatique
#urgenceclimatique #richesse #inegalites #predateurs
Article mis en ligne le 11 avril 2025
dernière modification le 4 avril 2025

Dans son nouvel ouvrage « Les riches contre la planète », la sociologue Monique Pinçon-Charlot évoque le séparatisme environnemental des milliardaires, qui tentent de préserver leur position dominante et de masquer leur responsabilité manipulatrice dans le dérèglement climatique.

L’écologie n’est pas ce qui nous rassemble, mais ce qui nous sépare. D’un côté, une oligarchie prédatrice se met soigneusement à l’abri du désastre. De l’autre, l’immense majorité du vivant est toujours plus exploitée et exposée.

À partir d’une trentaine d’études de cas, la sociologue Monique Pinçon-Charlot livre l’impitoyable démonstration de la collusion entre élites politiques et industries polluantes et détaille les roueries de l’oligarchie pour maximiser ses profits tout en saccageant la planète. Face aux fausses promesses de la « transition écologique », elle oppose des arguments fondés sur des exemples concrets, comme autant de pièces d’un puzzle diabolique.

Paru le 2 avril 2025 aux éditions Textuel, Les riches contre la planète – Violence oligarchique et chaos climatique est un livre détonateur à l’argumentaire radicalement anticapitaliste. Il est le premier ouvrage dans lequel Monique Pinçon-Charlot se penche sur le thème du chaos climatique. Nous en publions ici un des trente chapitres qui le composent. (...)

En septembre 2001, Serge Halimi mentionne dans un article le penchant des riches pour les refuges en Patagonie : « Soucieux de tolérance et de justice sur Terre, Luciano Benetton y possède 900.000 hectares. Ayant eu besoin d’eau pour ses milliers de moutons mérinos, il a détourné une rivière dont les ressources étaient cependant vitales à une population indienne vivant en aval du fleuve. Ted Turner s’est lui aussi acheté un ranch dans cette région désormais envahie de ranchs hollywoodiens pour milliardaires écologistes. »1

Ces terres de Patagonie sur la côte de l’océan Pacifique, avec des lacs aux eaux cristallines et des forêts, constituent un véritable paradis, qui a été en partie privatisé et bradé au Chili grâce au durcissement néolibéral sous la dictature d’Augusto Pinochet après le coup d’État du 11 septembre 1973, avec l’étroite complicité des élites nationales. Cet accaparement permet en outre aux riches chiliens et étrangers de se présenter aujourd’hui en investisseurs responsables de la nature, engagés dans la préservation de l’environnement, et notamment des arbres emblématiques des terres d’autrefois, comme l’alerce, parent direct du séquoia.

Les riches anticipent donc une guerre de classe lorsque les peuples auront compris qu’ils ont été manipulés, qu’on leur a fait croire à une « transition écologique ».

Mais la justification écologique est surtout un prétexte pour que « les créateurs de richesses » n’apparaissent pas comme de vulgaires fuyards face à la peur de la colère des peuples (...)

Les riches anticipent donc une guerre de classe lorsque les peuples auront compris qu’ils ont été manipulés, qu’on leur a fait croire à une « transition écologique », alors que le capitalisme continue à permettre aux dominants d’engranger toujours plus de dividendes au détriment de la vie sur Terre en cumulant le capitalisme fossile et le capitalisme vert. « Beaucoup trouvent que la Nouvelle-Zélande est le meilleur endroit pour y faire face. Un pays qui ne connaît pas d’ennemis, a peu de chance d’être la cible d’une bombe nucléaire, est composé de nombreuses îles où s’isoler, avec de l’altitude pour faire face à la montée du niveau de la mer, de larges territoires inhabités, peu de pollution… Rien qu’en 2016, 13.000 riches Américains y ont demandé un permis de construire. »

Au point que la Nouvelle-Zélande a dû prendre des mesures contre cette ruée immobilière, afin de maîtriser la hausse des prix dans le bâtiment. (...)

« Le milliardaire Peter Thiel, fondateur de PayPal et de Palantir, a lancé le mouvement en 2015, en achetant pour près de 12 millions d’euros une ferme et près de 200 hectares de terrain sur les rives du lac Wanaka, dans le sud de la Nouvelle-Zélande. Il y a fait construire une pièce ultra sécurisée. Avec quatre autres entrepreneurs de la Silicon Valley, dont Sam Altman, patron d’OpenAI, il garde toujours un avion prêt à s’envoler et à traverser 7.000 kilomètres au-dessus du Pacifique au moindre signe d’apocalypse ou de révolte sociale. » (...)

La volonté de sécurisation peut aussi se concrétiser par des « bunkers blindés » réalisés sous terre par une entreprise californienne, Terra Vivos. La quiétude des gens de fortune doit en effet être garantie pour le temps long des dynasties familiales. « Quelle que soit la menace, nos abris sont construits et conçus pour résister à peu près à tout, du changement de pôles aux éruptions de volcans, en passant par les tremblements de terre, les tsunamis, les pandémies, les explosions nucléaires, les catastrophes biologiques ou chimiques, le terrorisme et même l’anarchie généralisée », annonce sur son site le groupe Vivos, basé en Californie. (...)

Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, a lui jeté son dévolu un peu plus haut dans le Pacifique Nord en achetant une petite île au large d’Hawaï. « Il a payé les poignées de familles présentes sur ces terres qui cultivaient de la canne à sucre, pour partir. Il entend s’y faire bâtir une propriété et une ferme bio de 27 hectares, en autosuffisance totale. Un investissement à plus de 100 millions de dollars pour assurer sa seule survie et celle de sa famille… Comme quoi, “après moi, le déluge” n’est pas qu’un proverbe, mais bien une philosophie de vie. » (...)

Le séparatisme des riches est donc d’une actualité toujours plus brûlante avec cette capacité d’anticipation des conséquences de leurs crimes contre le vivant, aux fins de s’extraire du commun des humains.