
Il existe bien des façons de faire déraper l’informatique des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Un problème dont les organisateurs sont bien conscients.
Ce vendredi 26 juillet, pour la cérémonie d’inauguration des Jeux de Paris, tout avait pourtant bien commencé. La parade fluviale, dont les services de sécurité avaient si peur, se déroule finalement sans accroc devant les 600 000 spectateurs. Mais en coulisses, le même jour, les organisateurs ont des sueurs froides. Les serveurs d’un prestataire, en charge de la billetterie, sont inaccessibles. Une franchise criminelle bien connue exige le paiement d’une rançon à six zéros après avoir chiffré les données de sa victime.
Des sauvegardes sont restées hors d’atteinte. Mais il va falloir rétablir les données et se contenter de services dégradés, le temps de remettre le tout d’équerre. Et il va falloir faire avec une fuite de données, sauf passage à la caisse des maîtres chanteurs. Un flot d’informations sensibles qui devrait attirer les cybercriminels comme des mouches. Les ennuis ne s’arrêtent pas là. Les transports parisiens viennent de tomber sur un gros os. (...)
Cerise sur le gâteau, plusieurs sites institutionnels — des mairies de la première couronne et des lieux touristiques, comme celui de la tour Eiffel — sont tombés, victimes d’attaques en déni de service. Le tout donne l’impression d’une capitale en flammes. Les JO de Paris, qui devaient être une grande fête du sport, viennent de se transformer en un cauchemar.
Ce scénario catastrophe relève évidemment de la fiction. Mais il n’est pas improbable. Les gangs de rançongiciels constituent l’une des principales cybermenaces du moment. (...)
Autant d’exemples vraisemblablement déjà anticipés par les organisateurs. Vincent Strubel, le chef de l’Anssi, qui sueprvise la cybersécurité de l’événement, a ainsi revendiqué une « saine paranoïa ». Car c’est simple : comme l’explique également Franz Regul, le responsable de la sécurité informatique de Paris 2024, le comité d’organisation, « on s’attend à tous types d’attaques ». « On intéresse les cyber mafias, les hacktivistes, les attaquants isolés ou encore les États », résume celui qui planche sur le sujet depuis quatre ans.
Un périmètre de défense vertigineux
Le périmètre à défendre est vertigineux. Il y a la billetterie, la retransmission ou le chronométrage, qui relèvent directement des organisateurs. Mais il faut y ajouter les infrastructures de transport en Île-de-France, d’éclairage ou encore la distribution d’énergie. (...)
Les Jeux vont cependant mobiliser d’autres organisations plus fragiles sur le plan de la sécurité informatique. Comme les fédérations sportives, qui vont devoir apprendre vite pour ne pas être le maillon faible.
La documentation des menaces cyber est d’ailleurs déjà bien fournie. (...)
Des arnaques en pagaille à attendre
L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information avait également présenté à l’été 2023, dans un rapport fouillé, le large éventail de cybermenaces planant sur les Jeux olympiques de Paris. Les spécialistes de l’agence citent d’abord les attaques à des fins lucratives. Des cybercriminels de tout poil pourraient ainsi tenter des escroqueries. Par exemple en mettant en place des faux sites de billetterie pour collecter des données personnelles.
De manière plus large, des cybercriminels peuvent tenter de s’appuyer sur la notoriété de l’événement pour lancer des attaques par hameçonnage ou pour tenter de capter une audience monétisée par de la publicité (...)
Dans le même ordre d’idée, il est fort probable que des hacktivistes tentent de rebondir sur l’événement, par exemple avec des attaques par déni de service. Des atteintes aux dégâts mineurs, mais qui peuvent suffire pour faire parler de sa cause.
Cibles pas si faciles
Les attaques par rançongiciel, ces programmes qui chiffrent vos données contre une rançon, peuvent faire elles bien plus de dégâts. Même si un ciblage volontaire est jugé « peu probable », l’Anssi craint des actions opportunistes des cybercriminels. (...)
L’inévitable menace russe
Reste qu’il n’y a pas que les gangs mafieux qui menacent le bon déroulement des Jeux. (...)
Le cyber cauchemar pas si certain
Impossible de dire aujourd’hui si ces efforts seront suffisants. (...)
Même s’il est nécessaire de mobiliser « sur ce sujet pour éviter que cela tourne mal », comme le note Gérôme Billois, il n’est donc pas dit que les Jeux olympiques de Paris soient forcément synonymes de cyber cauchemar. Une perspective anxiogène pourtant entretenue maladroitement par les organisateurs et l’industrie, en témoigne ce chiffre contestable de milliards d’attaques informatiques attendues. Cette estimation alarmiste amalgame en réalité intrusions et événements de sécurité. Un mélange de torchons et de serviettes qui n’est pas la meilleure façon de sensibiliser l’opinion aux enjeux de cybersécurité.