
L’acceptation par la société – au demeurant tardive et timide – de la réalité d’une discordance parfois, entre le sexe biologique de naissance et l’identité de genre ressentie ou vécue, s’accompagne depuis quelques années de l’émergence d’un nouveau dictionnaire qu’il convient d’interroger.
Par exemple, l’association Chrysalide – qui par ailleurs réalise un travail important et nécessaire de défense des droits des personnes transidentaires – définit le sexe comme ce qui est « historiquement lié au sexe assigné à la naissance (appareil génital, chromosomes, gonades, etc.) ». L’association ajoute : « il peut également designer le sexe psychologique et/ou le sexe social. Dans ces deux derniers cas, on parle également de genre ».
Cette assimilation du sexe et du genre ou cette confusion si l’on considère que ces termes sont interchangeables, pose de grandes difficultés théoriques et politiques.
Le concept de genre, issu des travaux et des élaborations féministes, consiste à déconstruire, d’une part, l’association entre le sexe et des caractéristiques genrées (psychologie par exemple), d’autre part l’association entre le sexe et des rôles genrés et inégalitaires dans la société. Tout en montrant que le sexe en est à l’origine et qu’il sert sert à la légitimer, cette conception distingue clairement la construction du genre comme assignation sociale des femmes et de manière générale, comme théorisation d’une infériorité de ces dernières, du sexe biologique. Le féminisme ne nie pas le corps ni sa sexuation : toute la littérature sur la condition des femmes se penche sur la question du corps comme objet de l’oppression et lieu d’une expérience spécifique.
Aussi, lorsque Simone de Beauvoir écrit dans le Deuxième sexe qu’on ne naît pas femme, on le devient, elle ne vise pas le sexe biologique mais bien la construction du genre. Sous cet angle et c’est fondamental, il n’existe pas de sexe psychologique, ni de sexe social puisque le sexe est biologique et n’entraîne pas en soi une psychologie, ni une existence sociale, ces deux dernières relevant d’une assignation de genre à partir d’une détermination biologique. C’est cette assignation que combattent les féminismes en s’appuyant sur une analyse de la condition de la femme. Le féminisme n’est pas un discours identitaire ni même communautaire qui s’appuierait sur un supposé « être femme » ou sur une supposée nature féminine. C’est un mouvement d’émancipation qui s’oppose à la condition faite aux femmes : une condition n’est pas une identité. (...)