
Un crématorium pourrait s’installer près d’habitations en Ille-et-Vilaine. Les riverains craignent que les fumées de la crémation des morts polluent l’eau et affectent leur santé.
« Ici, zone humide. L’eau est un bien précieux à préserver. Non au crématorium ! » lit-on sur de grandes banderoles déployées à l’entrée du petit village de Saint-Germain-en-Coglès, au nord-est de l’Ille-et-Vilaine. (...)
L’exploitation de ce bâtiment où incinérer les morts serait confiée à la société Générys, une petite entreprise de pompes funèbres qui a déjà remporté plusieurs marchés publics dans l’ouest de la France. « On n’est pas contre le crématorium en soi, on s’y oppose pour des raisons environnementales », dit Réjane Lermenier, qui préside depuis un an et demi l’association Bien vivre à la gare, un collectif d’une trentaine de riverains opposés au crématorium (...)
L’eau un jour imbuvable ?
« Le problème, c’est qu’ils veulent construire ce crématorium en plein milieu de l’ère de captage d’eau potable des Drains du Coglais. La plus importante ressource en eau du département », explique la sexagénaire, en sortant une carte fournie par le syndicat d’eau potable Eau du bassin rennais. On y voit effectivement la localisation des drains, tout proche de l’emplacement du futur crématorium.
Les craintes du collectif : que les fumées du crématorium polluent la nappe phréatique, et contaminent l’eau potable. (...)
La crémation des corps rejette en effet un certain nombre de polluants, dont des métaux lourds, comme le mercure et le plomb, présents dans les amalgames dentaires (ou plombages) des défunts. Ces métaux chauffés à plus de 900 °C se transforment en gaz puis retombent dans l’environnement sous la forme de fines gouttelettes.
Concernant le mercure, l’observatoire de la qualité de l’air en Île-de-France Airparif note que « les principaux rejets dans l’atmosphère proviennent des industries, liées à la combustion du charbon ou à l’incinération des ordures ménagères, ainsi qu’aux crématoriums ». Et dans les années 2000, un rapport du Sénat se penchait sur la pollution mercurielle liée aux incinérations en France, estimant les rejets à 200 kg/an. (...)
Outre le mercure, on retrouve aussi des dioxines et des particules fines, sans compter les substances issues de la combustion des produits à base de formol, utilisés pour conserver les corps. Une liste non exhaustive de polluants figure dans l’arrêté du 28 janvier 2010 relatif aux quantités maximales de polluants rejetés par les crématoriums dans l’atmosphère. Ces émissions polluantes ont également été documentées par l’Association française d’information funéraire (Afif) et par une étude canadienne de 2020.
La plupart des substances émises par la crémation ont de graves effets sur la santé : elles sont cancérigènes, neurotoxiques et reprotoxiques — pouvant altérer la fertilité. (...)
Ainsi, depuis 2018, tous les crématoriums doivent être équipés de filtres, pour limiter ces émissions toxiques. Des seuils réglementaires ont été fixés (...)
De nombreuses lacunes
Cette filtration désormais obligatoire est l’un des arguments mis en avant par les professionnels du secteur : « Aujourd’hui, grâce à la filtration obligatoire, il n’y a plus de pollution environnementale dans l’air autour des crématoriums », affirme Sylvestre Olgiati, président de la chambre syndicale nationale de l’art funéraire (CSNAF). « On ne vend plus de fours de crémation sans ligne de filtration, et tous les anciens crématoriums se sont mis aux normes. On est vraiment à la pointe en France », ajoute Guillaume Lerognon, responsable de la société ATI Industries, spécialisée dans la fabrication d’incinérateurs et de fours de crémation.
Ces filtres dernière génération à base de charbon actif représentent près de la moitié du budget pour un crématorium (...)
Que se passerait-il en cas de dysfonctionnement de ce filtre ultraperformant ? C’est l’une des inquiétudes du collectif de riverains. (...)
Toutes ces lacunes ont été pointées par l’Agence régionale de santé (ARS) dans un avis de juin dernier et par la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) de Bretagne, une instance de consultation indépendante. Les deux institutions recommandent à la société exploitante de compléter l’étude d’impact en sollicitant notamment l’avis d’un hydrogéologue.
À Saint-Germain-en-Coglès, Réjane Lermenier s’approche de la parcelle prévue pour accueillir le projet. Elle nous montre les grands châtaigniers qui bordent l’espace, et la zone humide où pousse une végétation foisonnante faite de saules et de plantes aquatiques. Tous sont menacés. (...)
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– (Ouest-France)
Le compost humain, ce procédé qui rend la mort plus écolo, pourrait-il être autorisé en France ?
Appelée la terramation, la transformation des corps en compost, est interdite en France. À Avrillé, près d’Angers (Maine-et-Loire), l’association Humo Sapiens se bat pour rendre légale cette alternative à l’inhumation et à la crémation, et un projet de recherche est porté par le CNRS.
Expérimentée en Allemagne et autorisée dans plusieurs États américains, la terramation est interdite en France. Ce mode de sépulture, qui permet de transformer les corps en compost, est une alternative à l’inhumation et à la crémation. À Avrillé, près d’Angers (Maine-et-Loire), les associations Paroles croisées autour de la mort et Humo sapiens se battent pour témoigner de cette pratique et la rendre légale. (...)
La terramation est un mode de sépulture permettant de transformer en quelques mois un corps humain en compost. (...)
Le corps est glissé dans un linceul en fibres naturelles et entouré de broyat végétal (copeaux de bois). Il doit être sur le sol ou semi-enterré, mais pas trop profondément afin qu’il y ait une circulation d’oxygène. Là, il se transformera progressivement en compost, par l’action des bactéries.
« Bien sûr, il ne faut pas utiliser de produits synthétiques ou chimiques, qui ne peuvent pas se dégrader. Ni installer le corps dans un cercueil hermétique qui empêcherait la circulation de l’air nécessaire à la décomposition du corps », précise Pierre Berneur, président d’Humo sapiens et consultant en économie sociale et solidaire
Peut-on enterrer ses morts dans son jardin ?
Non, les cadavres doivent se décomposer dans des lieux dédiés, comme des cimetières. Par contre, les corps, une fois transformés en humus, pourraient être récupérés par les particuliers et dispersés dans un lieu de mémoire, une forêt par exemple.
La terramation ne risque-t-elle pas de polluer les sols ?
Selon Damien Charabidzé, docteur en biologie à Lille, « la terramation paraît plus sûre en terme d’hygiène et de santé publique ». Financées par l’Agence nationale de la recherche (ANR), des études ont d’ailleurs été lancées début avril 2024. Le projet de recherche est porté par le CNRS et dirigé par le professeur lillois. Le but est de « fournir des données probantes pour accompagner les décisions législatives sur les pratiques funéraires en France ». (...)
La terramation est-elle une pratique plus écologique ?
Oui, c’est d’ailleurs sa motivation première. « C’est moins de pollution, moins d’énergie dépensée et c’est perpétuer la vie après la mort, mettre la mort au service de la nature, du vivant. Cela apporte aussi plus de sens, tout en permettant de respecter les trois étapes qui suivent un décès : la veillée funéraire, la disparition du corps et le travail de mémoire. Ce que pourrait être une forêt mémorielle », poursuit Pierre Berneur. (...)
« Il faudra du temps pour que cette pratique soit légalisée. On le voit bien avec le débat sur la fin de vie, mais au niveau des municipalités, ça va très vite. Elles sont de plus en plus nombreuses à s’emparer du sujet du funéraire. » (...)