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Christian Tein : « Avec Bougival, l’État français montre qu’il n’entend pas décoloniser »
#FLNKS #NouvelleCaledonie #Kanaky
Article mis en ligne le 25 novembre 2025
dernière modification le 21 novembre 2025

Alors qu’Emmanuel Macron et son gouvernement s’apprêtent à un nouveau passage en force en Kanaky-Nouvelle-Calédonie en imposant le pseudo-accord de Bougival, Christian Tein, président du FLNKS, nous explique pourquoi son mouvement rejette le texte. Et appelle à développer le soutien au peuple kanak dans l’Hexagone.

Le 29 octobre, le Parlement français adoptait le report des élections provinciales en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, le troisième depuis l’an dernier. Ce scrutin crucial – il détermine la composition du Congrès local – devra maintenant se tenir au plus tard le 28 juin 2026. Une disposition issue du projet d’accord conclu cet été à Bougival (Yvelines) entre l’État et les principaux acteurs politiques de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie.

Puis, le 14 novembre, la ministre des Outre-mer Naïma Moutchou annonçait depuis Nouméa que la « consultation citoyenne » prévue sur ce projet d’accord serait anticipée et se tiendrait finalement dans l’archipel avant l’adoption d’une indispensable révision constitutionnelle. La nouvelle locataire de la rue Oudinot espère visiblement de la sorte donner au texte un vernis démocratique.

L’exécutif macroniste confirme ainsi coup sur coup sa volonté d’appliquer à tout prix ce pseudo-accord, alors même que celui-ci est aujourd’hui rejeté en bloc par le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), comme nous le confirme Christian Tein. Accusé comme plusieurs autres militants indépendantistes kanak d’être un des « commanditaires » des révoltes de 2024 et emprisonné durant près d’un an en France, celui-ci est devenu un des visages de la lutte du peuple kanak et le président du FLNKS, le premier à occuper ce poste depuis 2001.

(...) L’État français montre une fois encore qu’il n’entend pas décoloniser et ne sait pas tirer les leçons de ses erreurs passées. Il n’a pas de parole ! Au fil des différents gouvernements, des fondations avaient été établies pour permettre une sortie constructive de la période coloniale. Une démarche a été engagée afin de garantir le respect mutuel et promouvoir la cohésion au sein de la population dès 1983, quand le peuple kanak a consenti à partager son droit à l’autodétermination avec les communautés durablement installées dans le pays. Tout ce travail, monsieur Macron malheureusement l’a gaspillé. Il n’a d’oreilles que pour entendre la voix des anti-indépendantistes.

Qu’est-ce qui a motivé le FLNKS à rejeter ce projet d’accord ?

Le projet d’accord de Bougival, c’est comme un arbre dont on gratte l’écorce pour s’apercevoir qu’il ne reste rien de solide à l’intérieur… En d’autres termes, ce texte n’est qu’une façade, de la poudre de Perlimpimpin comme disent certains. Bien qu’il affiche des termes comme « État calédonien » ou « nationalité calédonienne », il ne fait en réalité que réinstaller une politique néocoloniale. Derrière ces nouveautés institutionnelles, il propose d’ouvrir davantage le corps électoral ou encore d’accroître le nombre d’élus de la province Sud, ce qui revient, de fait, à donner tous les moyens politiques à ce bastion des anti-indépendantistes. Quant aux éléments censés permettre l’accession à la pleine souveraineté du pays, ils s’apparentent en réalité à des obstacles majeurs, des verrous quasiment impossibles à franchir. Loin d’ouvrir une réelle perspective d’autodétermination pour la Kanaky, ce projet nous ramène en arrière.

Vous évoquez l’ouverture du corps électoral pour les élections locales. C’est précisément la mesure qui a mis le feu aux poudres en Kanaky-Nouvelle-Calédonie le 13 mai 2024…

Le gel du corps électoral a toujours été une bataille essentielle pour les indépendantistes, dès les années 1980. Il pose cette question : avec qui fait-on peuple ? Cependant, à plusieurs reprises, la droite locale, avec l’aide de l’État, a élargi davantage ce corps électoral. Or, une ouverture continue représenterait le risque d’une dilution du peuple kanak. C’est pourquoi nous nous sommes toujours battus pour maintenir un contrôle sur ce processus.

Celui-ci ne se limite pas au volet électoral : le corps électoral définit la citoyenneté en Kanaky. Être citoyen confère une priorité d’accès au logement, à l’emploi, à la formation… (...)

En Kanaky, l’indépendance semblait à portée de main, il suffisait de lever le couvercle. En empêchant cette évolution, l’État français ne se limite pas au seul enjeu local, il envoie également un signal fort à toutes les populations qui aspirent à leur émancipation. Le message est clair : si la France parvient à contrer efficacement la revendication indépendantiste en Kanaky, alors même qu’elle était proche d’aboutir, elle se déclare en mesure de le faire partout ailleurs sur son territoire. (...)

Le FLNKS tel qu’il est aujourd’hui est dans les bonnes dispositions pour porter le travail politique. Lorsque le FLNKS a été créé le 24 septembre 1984, c’était pour fédérer toutes les forces vives du pays, pas pour rester en vase clos avec quatre composantes comme on l’a fait pendant plus de vingt ans ! Cette unité des indépendantistes, cela a toujours été un leitmotiv chez moi. J’ai envoyé récemment deux courriers aux camarades du Palika et de l’UPM. S’ils veulent revenir au FLNKS, la porte n’est pas fermée. Ma responsabilité, c’est de continuer à rassembler le peuple kanak et les Calédoniens en général autour d’un projet de pleine souveraineté. (...)

Qu’attendez-vous justement des Français·e·s ?

On a besoin de votre soutien, c’est ce que l’on cherche à travers les tournées, les meetings, les interviews… Je suis conscient des difficultés que vous traversez vous aussi, mais on ne peut pas laisser faire en Kanaky un gouvernement qui continue à foncer dans le mur et à compromettre plusieurs décennies de stabilité et de dialogue. C’est bien d’aller à New-York pour dire qu’il faut reconnaître le peuple palestinien et lui donner un pays, mais je pense que monsieur Macron devrait en faire de même avec la Kanaky qui attend depuis 172 ans d’être libérée. Au peuple français d’envoyer avec nous ce message au gouvernement actuel : il faut fermer définitivement la parenthèse coloniale de Kanaky !