
L’un des plus grands centres de données de Meta (ex-Facebook) en Europe devrait voir le jour en Espagne. Quelques militants tentent d’éveiller les habitants sur ses conséquences néfastes. En vain.
(...) Situé à quelques kilomètres du Tage, il devrait être l’un des plus grands de la firme californienne en Europe. Un de plus dans la péninsule ibérique. Depuis deux ans, l’Espagne devient une terre d’implantation privilégiée pour les Big Tech. Microsoft, Amazon et Google ont déjà massivement investi la région d’Aragón, dans le nord du pays. Et des dizaines de projets de centres de données sont en cours de déploiement. (...)
Zone stratégique à l’intersection de l’Amérique, l’Europe et l’Afrique, l’Espagne dispose également de fortes capacités de production d’énergies renouvelables, appréciables pour des entreprises qui cherchent à se rendre « plus vertes », et ses gouvernements locaux tentent d’attirer les investisseurs.
Quant à Meta (ex-Facebook), après l’abandon en 2022 de son mégaprojet aux Pays-Bas à la suite de pressions citoyennes et gouvernementales, l’entreprise semble retenter sa chance dans la capitale de la céramique espagnole. Or, l’opposition initiée en Espagne par Aurora Gómez ne prend pas autant que celle menée par son homologue néerlandaise Susan Schaap. Actuellement en phase finale de négociation, après un processus quasi sans encombre, la construction du campus pourrait démarrer début 2025. (...)
Caractérisé par de forts épisodes de chaleur et de sécheresse, le climat est peu propice à l’activité surchauffée des serveurs. Chargés de stocker et de faire circuler des milliards de données 24h/24, 7j/7, ces fermes numériques nécessitent d’être refroidies en permanence à l’aide d’énormes quantités d’eau. Une pression supplémentaire dans un territoire où cette ressource est déjà menacée. Ce qui n’inquiète pas les autorités locales, qui ouvrent grand leurs bras au géant étasunien. (...)
« Ils vont empirer la situation »
Activiste de longue date et enfant de la région, la psychologue de 40 ans a décidé de monter son collectif en avril 2023, au lendemain de la validation du plan de Meta comme projet d’intérêt singulier (PSI). Autrement dit, comme relevant d’un caractère essentiel pour le territoire et permettant donc des assouplissements de la réglementation, notamment environnementale, pour faciliter son exécution.
« Les PSI, c’est l’autorisation légale que l’on donne à tous les grands projets industriels qui saccagent l’environnement », dit la militante, qui redoute les effets à long terme de l’activité du campus. À commencer par la pression sur le Tage, fleuve qui subit déjà de multiples agressions du fait de l’agriculture, du dérèglement climatique ou des barrages de production d’électricité hydraulique.
Si Aurora a réussi à médiatiser l’affaire dans la presse nationale et internationale, elle peine à fédérer à l’échelle locale. Entre autres, à cause de la méconnaissance des enjeux par la population et la faiblesse du tissu militant de la région. (...)
En parallèle, la presse locale se fait surtout la caisse de résonance des pouvoirs publics et de leurs promesses portées par l’arrivée du chantier. Dans une province déprimée qui affiche l’un des taux de chômage les plus élevés du pays (environ 24 %), l’installation de Meta fait naître l’espoir d’un modèle d’avenir assurant la création de 250 et 500 emplois, la relance de l’économie locale et l’attractivité du territoire. (...)
Soutien global, silence local
Pour Aurora, la situation est paradoxale. « Les premiers soutiens que nous avons reçus venaient de militants portugais ! On reçoit des appels du monde entier, de la part des médias, des chercheurs, des associations… Mais ici, rien ! Les autorités restent sourdes à nos alertes et font semblant de ne pas nous voir. Quant aux gens, ils ne savent pas trop quoi penser et ne se prononcent pas. »
Jusqu’à présent, aucun habitant de la province ne s’est manifesté pour rejoindre leurs revendications. La majorité de la population, plutôt rurale et vieillissante, se tait par ignorance ou par peur des qu’en-dira-t-on. Difficile de monter une action d’envergure dans ces conditions. (...)
D’autres se sentent perdus. « Pour le moment, on n’est pas contre, mais on manque d’information », reconnaît José, membre d’un collectif citoyen de la commune de Gamonal. (...)