
Plusieurs employés, licenciés depuis, ont depuis des mois tenté d’alerter leur direction et le département sur les dysfonctionnements d’un foyer de l’enfance mosellan. Plusieurs plaintes ont été déposées début 2024.
(...) Au cours de notre enquête, nous avons récolté les témoignages de huit anciens ou actuels salariés, ainsi que des échanges de mails et de messages. Ils décrivent une maison d’enfants où les mineurs sont parfois mis en danger par le sous-effectif chronique ou les problèmes entre les encadrants.
Non-assistance à un mineur vulnérable
Début 2024, Lysalia Schreiber assiste à une crise qu’aurait faite un adolescent et à laquelle deux responsables seraient restés de marbre. « L’adolescent en question avait déjà tenté de se défenestrer en novembre 2023 », rembobine cette désormais ancienne éducatrice à la MECS de Saint-Avold. « J’ai demandé une première fois à intervenir pour le calmer, mais mon supérieur me l’a interdit et m’a dit de le laisser se calmer seul. » Quelques minutes plus tard, elle entend des bruits de verre, regarde dehors et « constate des éclats au sol et un énorme trou dans la première couche du double vitrage de la chambre ». Lysalia continue :
« J’interpelle une nouvelle fois mon supérieur hiérarchique, qui observe la scène et me dit de sortir balayer les débris. Arrivée dans la chambre, j’ai trouvé l’adolescent, un gros morceau de verre à la main, tentant de se tailler les veines. »
Contacté, le supérieur hiérarchique affirme de son côté être intervenu dans la chambre de l’adolescent après l’entrée de Lysalia et a demandé au garçon de lâcher le bout de verre qu’il tenait. Ce qu’il aurait fini par faire après s’être écorché. Lui aussi remet directement en cause la gestion de Moissons Nouvelles :
« J’ai alerté à plusieurs reprises la direction sur ce jeune, qui était parfois violent et qui avait besoin d’un accompagnement thérapeutique. Je n’ai jamais été entendu. »
Au cours de notre enquête, six anciens salariés, principalement de So Green, nous ont rapporté des témoignages similaires : des dysfonctionnements que certains ont tenté de faire remonter à la direction, sans succès. Presque la totalité ont ensuite démissionné ou subi soit un licenciement comme Sonia, soit un non-renouvellement de leur contrat à l’image de Lysalia. Après avoir tenté d’alerter sa hiérarchie via le chef d’une MECS voisine, sa fin de CDD a d’ailleurs été « tendue ». Quelques mois après son licenciement, Sonia regrette elle, de ne plus voir d’adolescents avec lesquels « elle avait un bon contact » et d’avoir été contrainte d’abandonner un travail « dans lequel elle se sentait utile. »
Une MECS fracturée et en sous-effectif (...)
« Depuis plusieurs années, les chefs de services défilent, les éducateurs sont régulièrement en arrêt-maladie, le recours aux intérimaires est de plus en plus fréquent », admet un ancien sous couvert d’anonymat. (...)
« On travaille dans un cadre déconnant : il y a parfois un éducateur pour une quinzaine d’adolescents, les absents ne sont pas remplacés à temps. Ce sont les enfants qui subissent ces violences institutionnelles. » (...)
Les conséquences du manque de ressources sont parfois dramatiques. En décembre 2023, plusieurs adolescents parviennent à fuguer de la MECS. Quelques mois plus tard, un autre adolescent, cette fois-ci hébergé à Folschviller, parvient à voler une voiture de service et provoque un accident quelques kilomètres plus loin. (...)
Face à ces difficultés qui touchent l’ensemble du département, un collectif nommé Protect 57 s’est fondé début 2024. Composé majoritairement de travailleurs sociaux, ils réclament des moyens financiers et humains supplémentaires pour la protection de l’enfance. « Les 50 % de turn-over, 15 % d’absentéisme, c’est partout dans le social », déplore Éric Florindi, représentant syndical Sud santé-sociaux Moselle et membre de ce collectif. Il ajoute :
« Lors des appels d’offres, ce qui prime, c’est la rigueur budgétaire, pas la qualité d’accompagnement des enfants. Ceux qu’on retrouve à la tête de ces structures sont des gestionnaires, pas des gens qui partagent des valeurs humanistes. »