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Mediapart
« Ce monde m’écœure » : le témoignage choc d’une ex-espoir de l’athlétisme sur les violences sexuelles
#JO2024 #athletisme #violencessexuelles
Article mis en ligne le 6 août 2024
dernière modification le 3 août 2024

Après avoir dénoncé les violences sexuelles subies dans le cadre de sa formation, notamment de la part du coureur Jimmy Gressier, en lice aux JO, Claire Palou a abandonné l’athlétisme. L’ancienne spécialiste du demi-fond pointe l’incurie des instances face à un problème systémique.

Championne de France des moins de 21 ans en 2021, Claire Palou avait toutes les chances d’être sur la ligne de départ des épreuves de demi-fond (1 500 mètres et 3 000 mètres steeple) aux Jeux olympiques de Paris (JOP). Mais, en 2022, sa santé mentale et sa carrière ont explosé en vol. En cause : la pression du sport de haut niveau, mais aussi et surtout les violences sexuelles qu’elle a subies au cours de sa formation sportive, du lycée jusqu’au prestigieux Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), où s’entraînent les plus grand·es athlètes français·es.

En 2023, la coureuse avait signalé aux instances de la Fédération française d’athlétisme (FFA) et de l’Insep des faits de menaces et de harcèlement sexuel – révélés dans une enquête de L’Équipe – de la part de son partenaire d’entraînement, Jimmy Gressier, recordman français du 5 000 mètres. Ce dernier n’a pas été sanctionné, une procédure disciplinaire ayant conclu à une « absence de preuves formelles ». (...)

L’Insep comme la FFA avaient été mis en cause en septembre 2023 par Claire Palou et sa partenaire d’entraînement Emma Oudiou devant une commission d’enquête parlementaire. À l’issue de ses travaux, cette commission avait plaidé pour une « vaste enquête systématique » dans l’ensemble des fédérations sur les violences sexuelles, sexistes et psychologiques afin de lutter contre une « omerta encore trop présente », « renforcée à l’approche des Jeux olympiques ».

Une omerta et une inaction encore dénoncées par Claire Palou, qui, à 22 ans, pointe du doigt une culture sexiste et une ambiance hypersexualisée. Elle confie aussi le « dégoût » et le « désespoir » qui l’ont gagnée face à un milieu qui, à ses yeux, laisse les victimes sur le bord du chemin. (...)

Mon mal-être a duré longtemps. J’ai sombré pendant des mois, pris de la drogue. Mais tout a explosé il y a deux ans, en avril 2022, quand j’ai commencé à avoir énormément d’idées suicidaires. J’avais 20 ans. J’étais à deux doigts de passer à l’acte.

(...)

J’avais essayé de parler à la psychologue, mais elle avait refermé la porte à peine je l’avais ouverte. Cela m’avait remise dans un schéma « ce n’est pas grave ce que j’ai vécu, ce qui est important, ce sont les compétitions ».

Ma parole aurait bouleversé mon état psychologique et donc mes performances. Il ne fallait pas que je parle.

J’ai pu commencer à en parler pendant l’été 2022, quand j’étais hospitalisée en Savoie, où une psychologue a fait tout sortir. Elle a posé des mots sur les faits que j’ai subis : un viol à l’âge de 15 ans quand j’étais en sport-étude au lycée, deux agressions sexuelles lors de soirées entre athlètes quand j’avais 17 et 18 ans, et du harcèlement sexuel et des menaces de la part de Jimmy Gressier.

Ç’a été la douche froide. Mais ça m’a libérée d’un poids, je comprenais enfin pourquoi j’étais si mal. Je suis sortie du déni.

Le fait que vous ayez été agressée par plusieurs garçons ou hommes dans ce milieu de l’athlétisme de haut niveau accrédite la thèse des violences systémiques…

Oui. Je me suis aussi rendu compte que j’avais vécu la même chose que ma partenaire d’entraînement Emma Oudiou [qui a également quitté l’athlétisme de haut niveau après avoir dénoncé des agressions sexuelles et milite désormais – ndlr]. C’est décuplé dans le milieu du sport. On le vit, mais en plus on nous empêche de parler. (...)

Quand l’affaire a été rendue publique par L’Équipe en février dernier, j’ai reçu beaucoup d’insultes sur les réseaux sociaux : « sale folle », « salope ».

Je n’ai plus les armes pour me battre. Ma situation me désespère. La fédération m’a tellement trahie, je suis dégoûtée.

(...)