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"C’est un coup de massue" : au procès du camion charnier, jusqu’à 10 ans de prison pour les prévenus
#migrants #passeurs
Article mis en ligne le 12 novembre 2023
dernière modification le 11 novembre 2023

Les principaux responsables de l’affaire du camion charnier, dans lequel 39 Vietnamiens avaient été retrouvés morts asphyxiés, en 2019, au Royaume-Uni, ont été condamnés vendredi à des peines de 8 à 10 ans de prison, par le tribunal correctionnel de Paris. Les avocats de la défense dénoncent une peine disproportionnée et ont annoncé faire appel.

Le tribunal a donc prononcé la peine maximale pour le délit d’aide à l’entrée ou au séjour irrégulier d’un étranger, commis en bande organisée, ainsi que pour homicide involontaire par la commission d’une faute caractérisée. Ces peines ont été assorties d’une interdiction totale du territoire français. (...)

Au total, 19 prévenus de nationalité vietnamienne, française, chinoise, algérienne et marocaine, étaient jugés.
"Une décision judiciaire sans précédent "

Le tribunal a estimé qu’ils étaient impliqués dans l’organisation de "traversée de personnes en situation de précarité dans l’espoir d’une vie meilleure" et que l’homicide involontaire était bien caractérisé au vu du nombre de personnes chargées dans la remorque du camion frigorifique. "Vous avez créé les conditions qui ont conduit au décès de ces personnes. Si elles avaient été moins nombreuses, elles auraient peut-être pu survivre", a notamment déclaré la présidente de la cour, Carole Bochter. Mardi, le procureur avait requis 9 à 10 ans de prison ferme pour les quatre prévenus vietnamiens accusés d’homicide involontaire et 7 à 10 ans de prison pour les quatre autres.

"C’est une décision judiciaire sans précédent en France puisqu’on considère que des hébergeurs ont la même responsabilité que des passeurs", a réagi Me Gaspard Lindon, avocat de "Tony", à la fin du verdict. Il a regretté que "les juges s’attaquent à un problème de société plutôt que de punir un individu", ajoutant vouloir faire appel de la décision. "Nos arguments n’ont pas été suivis sur l’homicide involontaire, on espère être écouté en appel."

De son côté, Hicham Kaddoum, l’un des avocats des parties civiles, s’est dit "heureux d’avoir fait entendre les voix des parties civiles dans cette terrible tragédie. (...)

Prison avec sursis pour les chauffeurs, une seule relaxe

Pour les 11 chauffeurs et logeurs qui étaient jugés par la cour, les peines ont été bien moindres. Dix d’entre eux ont été condamnés pour aide à l’entrée ou au séjour d’un étranger en situation irrégulière en France, en bande organisée, à des peines allant jusqu’à trois ans de prison dont deux avec sursis. Ils ont en revanche tous été relaxés pour le délit de participation à une association de malfaiteurs, comme l’avait préconisé le parquet. (...)

Un seul chauffeur, Djoudi A., un Algérien de 54 ans, a été complètement relaxé par le tribunal, "considérant qu’il a compris la situation des passagers seulement à l’arrivée de la seconde course". C’est l’un des rares prévenus à s’être adressé à la cour à l’énoncé de sa peine. "Je voudrais présenter ma gratitude pour la relaxe, c’est sûr que ça me servira de leçon", a-t-il déclaré avant de se rasseoir.

Plongée dans le fonctionnement des réseaux de passeurs

Lors des plaidoiries de la défense, les avocats des principaux prévenus avaient tenté de dégonfler l’affaire en mettant en cause l’absence au procès des principales têtes de réseau. (...)

Me Dylan Slama a raconté la mécanique infernale qui pousse de nombreux migrants à participer contre leur gré à des réseaux de passeurs pour finir de payer leur voyage, parfois sous la contrainte.

Quatre ans plus tard, le tribunal correctionnel de Paris a donc refermé l’affaire du "camion de l’horreur", déjà jugée par le Royaume-Uni et la Belgique qui sont compétents pour les délits et crimes commis sur leur territoire. Mais à quel prix ? Les têtes de réseau continuent de prospérer et seules les petites mains, souvent elles-mêmes dans l’attente d’un passage au Royaume-Uni, sont attrapées. (...)