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France Info
Boualem Sansal gracié par le président algérien : on vous raconte près d’une année de combat pour obtenir la libération de l’écrivain
#BoulemSansal
Article mis en ligne le 13 novembre 2025
dernière modification le 12 novembre 2025

L’Algérie a accepté mercredi une demande de l’Allemagne de gracier l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné depuis presque un an jour pour jour. Critique du pouvoir algérien, il était au cœur d’une brouille diplomatique entre Paris et Alger et avait été condamné en appel à cinq ans de prison ferme en juillet, notamment pour "atteinte à l’unité nationale".

Tout a commencé avec une étrange disparition, au mitan du mois de novembre 2024. Plusieurs médias évoquent alors une arrestation de l’écrivain à l’aéroport d’Alger, alors qu’il revenait d’un déplacement en France. Habitué des provocations et des critiques envers le pouvoir autoritaire algérien, Boualem Sansal a franchi une ligne rouge dans une interview accordée au média d’extrême droite Frontières. Dans cet entretien, il estime que l’Algérie a hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque-là au Maroc.
Le monde littéraire se mobilise

Cinq jours après cette "disparition", Emmanuel Macron se dit "très inquiet" de la situation de l’écrivain. Les proches de Boualem Sansal vont alors rapidement s’organiser. Gallimard, sa maison d’édition, réclame sa "libération immédiate" après son "arrestation par les services de sécurité algériens". A l’initiative de la Revue politique et parlementaire(Nouvelle fenêtre), un premier comité de soutien international avec de nombreuses personnalités est monté afin de faire pression sur les autorités françaises et ne pas oublier l’écrivain, atteint d’un cancer.

Dès les premiers jours, le monde littéraire se mobilise. "Son arrestation m’insupporte. La place d’un intellectuel est autour d’une table ronde, autour d’un débat d’idées et non en prison", réagit son compatriote Yasmina Khadra. L’auteur franco-algérien Kamel Daoud, prix Goncourt 2024, dénonce dans Le Point(Nouvelle fenêtre) le fait que son "frère" soit "derrière les barreaux, comme l’Algérie tout entière". Les prix Nobel de littérature Annie Ernaux, Jean-Marie Le Clézio, Orhan Pamuk et Wole Soyinka, ainsi que plusieurs écrivains dont Salman Rushdie et Roberto Saviano, réclament à leur tour la "libération immédiate" de leur collègue dans une tribune(Nouvelle fenêtre).

Mais rapidement, l’affaire Boualem Sansal se retrouve au cœur de la plus grave crise diplomatique entre Paris et Alger depuis des décennies, avec des désaccords tenaces sur les dossiers de l’immigration ou encore du Sahara (...)

Sa captivité devient politique

Les soutiens de l’écrivain ne relâchent pas pour autant la pression. En parallèle des actions auprès de la justice algérienne, ils tentent aussi de mobiliser la communauté internationale. L’avocat de l’écrivain saisit ainsi le Haut-Commissariat des droits de l’homme de l’ONU pour contester une "détention arbitraire". Au Parlement européen, une résolution(Nouvelle fenêtre) est largement votée pour condamner "l’arrestation et la détention de Boualem Sansal" et réclamer "sa libération immédiate et inconditionnelle".

Les initiatives se multiplient et le 18 février, une soirée de soutien est organisée à l’Institut du monde arabe à Paris. (...)

La droite et l’extrême droite montent en première ligne sur le dossier. (...)

De fait, le gouvernement français navigue entre la ligne dure souhaitée par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Bruno Retailleau, et la volonté de ne pas perdre le dialogue du côté du ministère des Affaires étrangères.

A l’Assemblée nationale, une nouvelle résolution est adoptée début mai appelant à la "libération immédiate" de Boualem Sansal et à subordonner au respect des "engagements internationaux en matière de droits humains" toute "coopération renforcée" entre l’Algérie et la France, et plus généralement l’Europe. Le texte, sans valeur contraignante, est adopté avec 307 voix contre 28 – une partie de la gauche critique la formulation de certains paragraphes, jugés trop offensifs. Puis à l’initiative du Rassemblement national, une résolution est votée fin octobre pour abroger l’accord de 1968 afin de faire pression sur le pouvoir algérien. "Je ne crois pas à l’abrogation de cet accord, mais à sa renégociation", réagit alors le Premier ministre Sébastien Lecornu.

Une grâce comme dernier espoir (...)

En parallèle, les actions symboliques se poursuivent. A l’initiative de David Lisnard (LR), président de l’Association des maires de France, une soixantaine de municipalités rendent hommage en juin à travers l’opération #JeLisSansal. Au festival d’Avignon, des lectures sont également organisées pour rendre hommage à l’auteur. Il est même élu à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Début novembre, le prix Renaudot poche est même décerné à Boualem Sansal pour son roman Vivre (Folio, 2025). Mais ni les pétitions, ni les résolutions, ni les distinctions honorifiques ne permettent à l’auteur du Serment des barbares et de 2084 : la fin du monde de sortir de prison.

Après la confirmation de sa condamnation en appel, l’écrivain renonce à se pourvoir en cassation et ses proches se tournent alors vers la possibilité d’une grâce du président algérien Abdelmadjid Tebboune. L’écrivain algérien Yasmina Khadra plaide d’ailleurs la cause de son compatriote auprès du dirigeant algérien. Mais les espoirs sont régulièrement douchés (...)

Le comité de soutien de l’écrivain revendique alors 1 500 membres issus de 20 nationalités, mais l’inquiétude continue de grandir concernant l’état de santé de Boualem Sansal. (...)

Le bout du tunnel a fini par arriver. "J’étais pessimiste mais j’y ai toujours cru", a déclaré Sabeha Sansal à l’AFP quelques minutes après l’annonce de la grâce de son père.