
Plusieurs mères avec des bébés âgés de quelques jours ont dû dormir dehors à Lyon ces dernières semaines. Alors que l’État et la métropole se renvoient la balle, la collectivité locale a décidé vendredi 30 août de ne plus refuser l’accueil de nouvelles personnes dans son dispositif.
À la question « Qu’est-ce qui vous fait honte dans votre ville ? », posée en 2020 par Paris Match, le président de la métropole de Lyon, Bruno Bernard, répondait : « Les enfants qui dorment dehors. » Quatre ans plus tard, malgré le fort investissement de la majorité écologiste sur le sujet de l’hébergement d’urgence, ce sont désormais des bébés, âgés seulement de quelques jours, qui grandissent à la rue.
De mémoire de travailleurs sociaux, on n’avait jamais vu ça. « Toutes les mères enceintes sont remises à la rue après la maternité, qu’elles soient en couple ou isolées », raconte une professionnelle de la métropole, atterrée par la situation.
Plusieurs cas ont été documentés par la presse ces dernières semaines.
Rue89 Lyon a notamment rencontré la mère d’un bébé de 5 jours, restée sans solution d’hébergement après son accouchement par césarienne, alors qu’elle était jusqu’alors prise en charge par la métropole. (...)
Le coup de frein du Grand Lyon…
Ces situations sont directement liées à une décision prise par la métropole de Lyon en juillet dernier, que Mediacités avait détaillée à l’époque. Au début de l’été, la collectivité a brutalement décidé de suspendre toute nouvelle entrée dans son dispositif d’hébergement. En théorie, le Grand Lyon est compétent pour mettre à l’abri les femmes enceintes, les mères isolées avec enfant de moins de trois ans, ou les mineur·es isolé·es. Les autres situations, notamment les familles avec des enfants en bas âge, relèvent normalement de l’État, par le biais des services de la préfecture.
Mais, depuis plusieurs années, la métropole prend en charge des cas qui relèvent en théorie de l’État – 40 % des situations selon un chiffre de 2022 fourni par la collectivité. En compensation, elle réclame en vain une aide financière. Elle accuse aussi les départements limitrophes, comme l’Ain ou la Loire, de mener des politiques beaucoup plus restrictives en matière d’hébergement d’urgence, ce qui entraîne une accumulation des demandes sur le territoire lyonnais.
Confrontée à des difficultés budgétaires, la majorité écologiste et de gauche a décidé de couper dans sa politique d’hospitalité, qui était pourtant l’un de ses marqueurs politiques forts depuis son arrivée au pouvoir en 2020. L’exécutif de Bruno Bernard poursuit ainsi son bras de fer engagé avec l’État depuis plusieurs années, en espérant le forcer à déployer de nouveaux moyens pour mettre à l’abri les publics les plus fragiles. Avec une nouveauté toutefois : désormais, la collectivité refuse de prendre en charge des publics qui relèvent pourtant bien de sa compétence. (...)
Selon les parlementaires, l’arrêt des nouvelles prises en charge de sans-abri par la métropole est « la conséquence tragique et directe de la politique gouvernementale actuelle », notamment de l’austérité budgétaire décidée par Bercy qui plombe son budget.
…et le durcissement de la préfecture
Lundi 26 août, c’était au tour du maire de Lyon, Grégory Doucet, d’exhorter sur BFM les services de la préfecture à prendre leurs responsabilités. « C’est d’abord à l’État de proposer des solutions. On ne laisse pas un nourrisson de 4 jours à la rue, ce n’est pas possible », a dénoncé l’élu écologiste. (...)
Selon le maire de Lyon, les services de la préfecture ont décidé au début de l’été « de mettre en place un nouveau critère de vulnérabilité qui les a conduits à estimer qu’un nourrisson de quelques jours ne rentrait plus dans ces critères et pouvait être laissé sans solution ». (...)
« La situation n’est pas acceptable », a estimé Bruno Bernard mardi 27 août, interviewé par BFM Lyon. Selon le président de la métropole, la crise actuelle s’expliquerait d’abord par le manque de politique nationale de lutte contre le sans‐abrisme. Il a notamment évoqué la trop faible production de logements sociaux, les non‐régularisations de migrant·es et, surtout, le manque de places d’hébergement d’urgence créées par l’État.
« La volonté de la métropole est de continuer à aider », a‑t‐il déclaré en rappelant que sa collectivité gère actuellement 430 places « qualitatives » et doit en ouvrir 92 « à la fin du mois ». Mais, ajoute Bruno Bernard, le Grand Lyon souhaite aussi « arrêter d’avoir du monde dans les hôtels parce qu’ils sont mal accueillis et parce que ça coûte très cher ». (...)
Au‐delà de ce jeu de ping‐pong entre l’État et la métropole, le calendrier choisi par l’exécutif du Grand Lyon interroge. Mettre la pression sur l’État alors que le gouvernement démissionnaire n’est pas en position de prendre des arbitrages semble peu judicieux. La décision de couper les vannes de l’hébergement, prise en catimini et dont les raisons ont été peu assumées par les élu·es, attise par ailleurs des tensions politiques, en interne, entre Bruno Bernard et son vice‐président chargé du logement, Renaud Payre. (...)
En attendant une clarification politique, l’inquiétude est grande parmi les professionnel·les et les militant·es de collectifs locaux. Avec la fin de l’été, le nombre de sans‐abri devrait augmenter, d’autant que deux squats qui hébergent aujourd’hui près de 150 personnes risquent d’être expulsés dans les prochains mois.
Le premier se trouve rue Neyret, dans les Pentes de la Croix‐Rousse. Près de 70 mineur·es non accompagné·es y dorment, dans un bâtiment appartenant à la congrégation chrétienne des Lasalliens. L’expulsion est prévue le 31 août, sans que l’on sache si la métropole a prévu une prise en charge pour ces jeunes, qui relèvent clairement de sa compétence.
Dans le second, quai Arloing, dans le 9e arrondissement, près de 80 femmes et enfants se sont installées dans un bâtiment du Grand Lyon, à l’initiative du collectif Solidarité entre femmes à la rue. Ils seront fixés sur leur sort le 13 septembre. (...)
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