
Au cours d’une conférence organisée par des catholiques intégristes, le milliardaire a dit que « son action prioritaire en France » était de stimuler une politique nataliste chrétienne et « de souche européenne »
lIl n’avait jamais formulé aussi clairement sa pensée identitaire nataliste. Pierre-Édouard Stérin, milliardaire français qui met sa fortune au service de l’extrême droite, a parlé le 11 juin 2025 de ses « domaines d’action prioritaires aujourd’hui en France ». En premier lieu : « Avoir plus de bébés de souche européenne », a-t-il assumé avec le sourire, à travers la webcam de son ordinateur.
L’homme d’affaires à la tête du Fonds du bien commun, qui finance des associations conservatrices, était l’invité phare de la conférence parisienne « Agir en chrétien pour le bien commun » qu’organise annuellement l’Institut du Bon Pasteur, un groupe de catholiques traditionalistes dont les liens avec l’extrême droite ont été révélés il y a quinze ans déjà par France 2.
Cet échange a ensuite été mis en ligne le 24 juillet sur YouTube, passant relativement inaperçu jusqu’à ce qu’il soit repéré une semaine plus tard par des internautes, puis repris par la député écologiste Sandrine Rousseau. « “De souche européenne”, a-t-elle cité le 30 juillet. Je vous combattrai vous et vos acolytes, aussi longtemps que j’en aurai la force. »
Présent en visioconférence, Pierre-Édouard Stérin a poursuivi son propos sur l’importance de cette politique nataliste stimulée. Il faut « faire en sorte que ces bébés soient baptisés ou sinon d’évangéliser de façon plus globale », a-t-il asséné, avant d’élargir : « Il ne s’agit pas seulement d’évangéliser les bébés, mais également d’évangéliser tous ceux qui ne sont pas catholiques, ou d’anciens catholiques. »
Pour mettre en œuvre ce projet, le fondateur de Smartbox assure avoir des idées d’actions « extrêmement complètes » sur la natalité : « Pour ceux qui nous écoutent, qui sont jeunes, mariez-vous ! Mariez-vous jeunes, et faites un maximum de bébés ! Si vous êtes déjà mariés ou fiancés, aidez vos amis célibataires à rencontrer quelqu’un, qui leur permettra de former un couple. Diffusez une image positive de la famille, ça contribuera à inciter tout un tas de personnes à fonder une famille demain. » (...)
Projet Périclès
En mai 2025, celui qui est exilé fiscal en Belgique a refusé de se rendre en personne à l’Assemblée nationale, où il devait être auditionné dans le cadre d’une commission d’enquête sur le respect des lois qui entourent les élections.
L’homme d’affaires de 51 ans devait s’expliquer sur son projet Périclès, révélé par L’Humanité en 2024 : un plan d’investissement de 150 millions d’euros pour porter le Rassemblent national (RN) au pouvoir, notamment dès les élections municipales de 2026. Il veut d’ailleurs former des « futurs maires » à travers un institut qu’il finance, Politicae, fondé par un élu divers droite et un élu Rassemblement national.
Le milliardaire, fervent catholique, ne cache pas son ambition de « contribuer à la promotion du Christ et à la défense et développement de [son] pays, la France », comme il l’a réaffirmé au cours de la conférence de l’Institut du Bon Pasteur. Il le fait d’ailleurs déjà en sponsorisant des influenceurs chrétiens en ligne, comme l’a relevé StreetPress. (...)
Il vise aussi le secteur de l’éducation, avec « des multiples solutions pour agir, comme le développement très important des écoles hors contrat depuis de nombreuses années », a-t-il assuré, toujours en visioconférence.
Dernier champ de bataille : les médias. « Le combat n’est pas évident, notamment dans le secteur médiatique. Une grande partie des médias sont gangrenés par le camp du mal », a-t-il osé, parlant supposément de la « gauche et l’extrême gauche ». Et de mentionner au passage le milliardaire George Soros – cible favorite de l’extrême droite, qui a mené contre lui de violentes campagnes antisémites – et Pierre Bergé qui aurait « réussi en quelques années à faire en sorte que le mariage homosexuel passe », assure-t-il.
« Oui, c’est pas simple, l’ennemi est nombreux, mais grâce à tout un tas de journalistes, la bataille est loin d’être terminée, dit le magnat. À nous d’investir dans les écoles de journalisme, de rentrer dans les médias existants, à nous de nous abonner à des médias amis pour permettre à la bonne parole d’être davantage diffusée demain. » En décembre 2024, il a en effet participé au rachat de l’École supérieure de journalisme (ESJ) de Paris avec un autre milliardaire d’extrême droite, Vincent Bolloré.
Malgré ses liens, investissements, discours et marqueurs idéologiques, Pierre-Édouard Stérin tente de réfuter le qualificatif « d’extrême droite ». (...)
Il n’est d’ailleurs pas le seul : « Je ne suis pas d’extrême droite, je ne l’ai jamais été et ne le serai jamais », avait aussi assuré Jordan Bardella, président du premier parti d’extrême droite français, en novembre 2024 au JDD.