
Le Festival de Cannes a continué mercredi sur sa lancée, braquant ses projecteurs sur les femmes fortes du cinéma avec le prequel de "Mad Max", "Furiosa", et le combat de l’actrice française Judith Godrèche, fer de lance du mouvement #MeToo dans l’hexagone.
(...) "Moi aussi", un pavé dans la mare des violences sexuelles
Alors même que les moteurs enflammés de Miller rugissaient dans le Grand Théâtre Lumière, un autre événement très attendu secouait la Croisette en ouverture de la catégorie Un certain regard : le court métrage "Moi Aussi" de l’actrice et réalisatrice Judith Godrèche, devenue au cours de l’année écoulée le visage du #MeToo français. (...)
Une jeune femme se meut au milieu d’une foule. En voix off, elle narre les récits de victimes de violences sexuelles, agressées dans leur enfance, par des proches. Leurs histoires s’entremêlent dans ce court métrage à mi-chemin entre clip et performance de rue, tourné avec un millier de femmes et quelques hommes, tous victimes d’abus.
"Moi aussi" marque une nouvelle étape du combat de Judith Godrèche pour dénoncer les violences faites aux femmes.
Un travail d’abord personnel que l’actrice, disparue des radars durant de nombreuses années, a mené sur elle-même pour prendre conscience de sa propre expérience. Avant de faire son grand retour, derrière la caméra en décembre 2023, avec la série "Icon of French cinema", sur Arte.
Dans ce récit autobiographique en six épisodes, Judith Godrèche incarne son propre rôle, celui d’une star de cinéma de retour en France après un long exil américain. La série devient un succès d’audience provoquant une avalanche de réactions. Car derrière l’atmosphère fantasque, le ton décalé et l’autodérision dont fait preuve l’actrice qui veut relancer sa carrière, elle y dévoile par bribes la relation d’emprise dont elle a été victime, à la sortie de l’enfance, avec un réalisateur de plus de deux fois son âge.
Sans le nommer, Judith Godrèche incrimine Benoît Jacquot. À la fin des années 80, le célèbre cinéaste lui offre son premier grand rôle dans le film "Les Mendiants", sorti en 1988, puis dans "La Désenchantée" (1990) qui lui vaut une nomination aux Césars en tant que meilleur espoir féminin. Au vu et su de tous, la jeune muse est alors en couple avec son pygmalion. Une relation qui a débuté alors que l’actrice n’était âgée que de 14 ans – Benoît Jacquot en avait presque 40 – et qui a duré près de six ans.
Mère et fille
Séparée de Benoît Jacquot, Judith Godrèche poursuit sa carrière de star, enchaîne les rôles puis s’essaye à la réalisation avec "Toutes les filles pleurent" (2010) avant de plier bagage pour Los Angeles. Aujourd’hui elle parle sans far des abus subis durant ses jeunes années dont elle accuse également une autre figure emblématique du cinéma français, le réalisateur Jacques Doillon. Début février, elle porte plainte contre les deux hommes pour viols sur mineure.
Quelques semaines plus tard, elle enfonce le clou sur la scène de la 49e cérémonie des Césars, prenant à parti l’industrie du cinéma. (...)
Devenue la figure de proue du mouvement #Metoo dans le cinéma français, cinq ans après la retentissante affaire Weinstein qui a fait trembler le tout Hollywood, Judith Godrèche explique devoir cet engagement à sa progéniture.
"C’est parce que j’ai une fille adolescente que je parviens à réaliser ce qui m’est arrivé, à me dire que j’ai navigué dans un monde sans règle ni loi" expliquait en décembre 2023 dans le magazine Elle, celle qui a quitté l’école à 15 ans pour embrasser une carrière de comédienne. "Si un homme de 40 ans approche ma fille, je le tue".
Sa fille, Tess Barthélemy, tout juste 19 ans, l’accompagne dans son combat. La jeune actrice et danseuse, née de la relation passée entre Judith Godrèche et le réalisateur et ex-membre de la troupe Robins des Bois Maurice Barthélémy, a joué elle aussi son propre rôle dans la série "Icon of French cinema". Pour "Moi aussi", la jeune fille solaire a remis le couvert, en figure centrale de cette œuvre hybride, en hommage aux milliers de victimes qui ont transmis à la réalisatrice leurs témoignages.
Lire aussi :
– (Huffington Post)
#MeToo : Mediapart dément l’existence d’une « liste » et démonte la propagation de cette rumeur
(...) Une liste noire qui affolait le cinéma français. À la veille de l’ouverture de la 77e edition du Festival de Cannes ce lundi 13 mai, le patron de l’évènement ainsi que le site d’investigation Mediapart ont tordu le cou à des rumeurs sur une prétendue liste d’auteurs de violences sexuelles planant sur le cinéma français, forgées sur les réseaux sociaux, relayées par des médias, et qui hantaient la Croisette.
Depuis plusieurs jours en effet, dix noms de professionnels du cinéma, acteurs et producteurs, prétendument accusés de violences sexuelles circulaient avant la sortie une supposée enquête de Mediapart.
Mediapart fustige un « spectacle médiatique pathétique » (...)
Mediapart, qui joue depuis plusieurs années un rôle central dans la libération de la parole autour des violences sexuelles, a clairement démenti lundi détenir une « liste » d’auteurs présumés d’agressions. Et a dénoncé « le spectacle médiatique pathétique » donné par ceux qui y ont donné crédit.
« Depuis plusieurs jours, nous assistons, médusé·es, au parcours fou d’une prétendue liste, voire d’une liste noire d’auteurs de violences sexistes et sexuelles que Mediapart s’apprêterait à révéler en ouverture du Festival de Cannes », déplore le site d’information.
« C’est faux, évidemment », poursuit Mediapart, qui insiste sur son travail d’enquête et de croisement des sources. Il dénonce « une rumeur émanant d’un compte complotiste, reprise sur les réseaux sociaux, alimentée par plusieurs médias et finissant dans les journaux d’information d’une matinale ».
Au final, « la rumeur (...) offre une esquive à celles et ceux qui ne veulent entendre ni Judith Godrèche, ni Adèle Haenel, ni Isild Le Besco et tant d’autres. Qui refusent de bousculer leurs certitudes, de questionner le cinéma, le rôle de l’image et de l’art dans nos représentations et la reproduction des rapports de domination et de pouvoir ».
#MeToo présent
En crevant l’abcès, le Festival espère braquer enfin les projecteurs sur l’essentiel : les stars attendues, des monuments du 7e art, la flamme olympique qui montera le tapis rouge, ou un cinéaste iranien en exil, qui pourrait finalement venir à Cannes.
La question de #MeToo sera présente, mais par l’intermédiaire de « prises de paroles de personnalités fortes, puissantes », a dévoilé la maîtresse de cérémonie, l’actrice Camille Cottin. Puis avec la venue mercredi de Judith Godrèche, devenue fer de lance de #MeToo en France. (...)
Lire aussi :
– (20 minutes)
Judith Godrèche se moque de la « feuille de route » évoquée par Vincent Lindon
Peu de temps après avoir manifesté devant le CNC, pour demander la démission de son président, Dominique Boutonnat, mis en examen pour agression sexuelle, Judith Godrèche répondait aux questions des auditeurs dans Le Téléphone sonne, sur France Inter.
Fabienne Sintes a rapporté au cours de l’émission la question d’un certain Vincent, 70 ans, sur WhatsApp, « atterré », qui demandait « comment faire et auprès de qui ? » et rebondit sur l’intervention d’un autre Vincent, plus illustre, quelques heures plus tôt. « Je pense à Vincent Lindon qui était sur l’antenne de France Inter ce matin avec Léa Salamé et qui dit, il me faut une feuille de route, il faut me guider (…) Là aussi, j’aimerais bien connaître votre réaction ? »
Et la réaction, pas forcément celle attendue, a été immédiate. Judith Godrèche n’a pu réprimer un court fou rire. « Excusez-moi », a-t-elle lâché, avant de reprendre sa contenance. « Je ne suis pas très bonne en géographie ni en cartes. »
Colin-maillard
Car pour la créatrice d’Icon of French Cinema, il faut simplement faire preuve de bon sens, « ouvrir les yeux sur un tournage par exemple ; il est compliqué de ne pas voir. » Et ne pas oser intervenir au motif que l’on ne s’identifie pas à la personne ne tient pas, selon elle.
« Il devrait être possible de s’identifier à tous les genres humains. À partir du moment où tu t’identifies, tu sais que ce qui fait mal à l’autre te fait mal à toi », expose-t-elle.
Et c’est pour cette raison que « personne n’a besoin de feuille de route pour savoir », résume l’actrice de 52 ans. (...)