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Mediapart
Aux États-Unis, Publicis traîne son contentieux sur les opioïdes
#opioides #addictions #publicis #OxyContin
Article mis en ligne le 1er mai 2024
dernière modification le 29 avril 2024

Dans le dossier des opioïdes, en plus des 350 millions de dollars à payer, Publicis doit à présent rendre publics des centaines de milliers de documents internes détaillant sa promotion de l’OxyContin, un antidouleur présentant d’importants risques d’addiction.

– La crise des opioïdes n’a pas épargné, outre-Atlantique, le groupe français Publicis, géant de la publicité. Poursuivi au civil par la quasi-totalité des procureurs des États-Unis pour nuisance publique et pour avoir violé des lois de protection du consommateur, Publicis a dû régler avant le début de ce mois d’avril 350 millions de dollars à la justice américaine.

Selon les procureurs états-uniens, Publicis – à travers sa filiale santé, Publicis Health – vantait faussement les mérites de l’OxyContin, un analgésique à base d’opium, présenté comme sûr et efficace dans les brochures et autres supports créés par Publicis pour les équipes médicales.

Publicis aurait par ailleurs mis en place, avec le cabinet de conseil McKinsey, une grande campagne baptisée « Evolve to Excellence » ou « E2E », ciblant entre autres les médecins « loyalistes », ceux qui prescrivaient les plus grandes quantités d’OxyContin, pour les convaincre d’en prescrire plus encore. 645 000 personnes sont mort·es d’overdose aux opioïdes aux États-Unis entre 1999 à 2021. Près de la moitié (280 000) à la suite d’une surdose d’opioïdes disponibles sur ordonnance, selon l’agence fédérale de santé publique américaine. (...)

Censés mettre un terme aux poursuites judiciaires, les 350 millions de dollars ne permettent cependant pas aux Français de clore complètement le dossier.

Interdit d’accepter tout engagement futur lié à la commercialisation ou à la vente d’opioïdes, Publicis doit rendre publics, dans les prochains mois, des centaines de milliers de documents internes détaillant le travail effectué pour le compte du laboratoire pharmaceutique américain Purdue Pharma, qui commercialise l’OxyContin et qui en tirait 90 % de ses revenus. Ces documents internes permettront peut-être d’éclaircir le rôle joué par les Français face aux doutes qui subsistent à la lecture de la procédure américaine. (...)

L’histoire, pour beaucoup, a commencé par une simple douleur que les médecins et autres soignants « induits en erreur » ont donc traitée avec l’OxyContin. Ne pouvant absorber sur la durée les coûts élevés de leurs comprimés, beaucoup d’États-unien·nes devenu·es dépendant·es se sont tourné·es vers le marché noir et/ou le fentanyl (peu cher et extrêmement puissant).

Rapidement, les morts se multiplient aux États-Unis, le plus gros marché de Publicis, l’un des seuls pays au monde à autoriser les laboratoires à faire la publicité de médicaments sur ordonnance. Un marché brassant des sommes colossales, 30 milliards de dollars par an. C’est dans ce contexte sensible que s’inscrit le travail de Publicis et des autres principaux acteurs du dossier. Poursuivis, tous ont choisi de régler l’affaire via la signature d’accords financiers. (...)

il apparaît dans les courriels de Publicis que les Français avaient conscience, dès le départ, des risques d’addiction présentés par l’OxyContin. (...)

Saisie par l’administration Biden, la Cour suprême des États-Unis doit quant à elle bientôt décider du sort de la famille Sackler, propriétaire de Purdue Pharma. Car les 6 milliards de dollars de l’accord financier signé avec la justice américaine leur offriraient l’immunité face à de futures procédures au civil. Les 350 millions de Publicis devraient, eux, permettre d’aider les municipalités états-uniennes à soutenir des efforts de prévention et de traitement des patient·es dépendant·es. Mais pourraient se révéler insuffisants face aux besoins.