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Mediapart
Aux États-Unis, où la Californie a promis de résister, les immigrés vivent dans la peur
#USA #Trump #Californie #expulsions #migrants #immigration
Article mis en ligne le 27 janvier 2025
dernière modification le 25 janvier 2025

Qu’ils soient originaires du Mexique, du Salvador, de Chine ou de Syrie, les immigrés vivant aux États-Unis redoutent que Donald Trump et sa nouvelle administration, investis lundi 20 janvier, ne les chassent d’une terre où ils ont déjà pris racine. Des ONG les préparent à se défendre.

(...) Depuis la réélection de Donald Trump, le 5 novembre 2024, les immigré·es affluent vers le centre juridique Todec, à Perris (Californie), à l’est de Los Angeles, inquiets de ce que l’avenir leur réserve.

Dans les locaux se tient ce matin-là un atelier de sensibilisation aux droits, où sont réunies quinze personnes, dont dix femmes, toutes latinos. « Avec Trump qui arrive au pouvoir, on a dû renforcer ces ateliers pour répondre à la demande », explique Luis, bénévole de l’ONG. La plupart des immigré·es présent·es sont sans papiers. « Vous avez des droits, peu importe votre situation. On est dans un pays démocratique », insiste sa collègue Sandra.

La régularisation peut passer par les liens familiaux, le travail ou les violences subies, mais « il ne faut pas accumuler des erreurs qui peuvent ensuite compliquer le dossier », préviennent les bénévoles. Le plus difficile est abordé. Que faire s’ils sont interrogés ou arrêtés par la police ? D’abord, savoir distinguer les services de contrôle de l’immigration (ICE, Immigration and Customs Enforcement) de la police aux frontières (Border Patrol). (...)

Les uniformes, les véhicules et les sigles sont projetés à l’écran. « S’ils viennent chez vous, n’ouvrez pas. Dites-leur de glisser l’ordonnance sous la porte. Et gardez le silence, car tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous. »

Au travail ou dans l’espace public, il ne faut « ni courir ni paniquer ». « Sur votre lieu de travail, les agents doivent avoir une ordonnance judiciaire et l’accord de votre employeur pour vous arrêter. Dans tous les cas, présentez votre carte rouge. » Censée dissuader tout abus de la part des forces de police, la carte a été créée par les associations, qui les distribuent aux personnes étrangères. Tous leurs droits y sont listés, en anglais et en espagnol. (...)

Anticiper le risque d’expulsion

Lorsque les participant·es quittent la salle, dont certain·es pour rejoindre l’équipe juridique et bénéficier d’un examen de leur situation, Marta*, 46 ans, s’attarde un moment. Son regard transpire la peur. « On n’a pas de papiers alors je suis inquiète pour l’avenir. » Elle travaille dans les champs et traîne derrière elle vingt années de vie précaire aux États-Unis, avec son époux et leurs trois enfants.

La semaine précédente, la police des frontières a contrôlé les véhicules à proximité de son lieu de travail. (...)

Dans les serres agricoles où Marta travaille de 5 heures à midi, les vingt-trois employé·es sont sans papiers.

Sa fille aînée bénéficie du statut « Daca », réservé aux personnes arrivées mineures aux États-Unis, et qui poursuivent des études au moment de la demande – un statut auquel voulait s’attaquer Donald Trump durant son premier mandat. « Les derniers sont inscrits à l’école. L’un d’eux est tellement anxieux qu’il suit une thérapie. On est en insécurité permanente. » Si Donald Trump, investi lundi 20 janvier, « applique ce qu’il a dit sur l’immigration, ce sera une catastrophe ».

Originaire du Mexique, Marta a déjà pris ses précautions en cas d’expulsion : sa sœur, en situation régulière, s’occupera de ses enfants. Mais ce scénario la ronge de l’intérieur. « La communauté est très inquiète, soupire Luis. On est là pour les soutenir et leur donner un maximum d’informations. » Depuis décembre, 280 ateliers ont déjà été dispensés dans les locaux de l’ONG, des écoles ou des exploitations agricoles. (...)

L’État, qui compte plus de 10 millions d’immigré·es, s’est en effet vite positionné en résistance face aux politiques promises par le nouveau président des États-Unis. Au lendemain de la réélection de Donald Trump, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, a convoqué une session extraordinaire pour discuter des meilleurs moyens pour préparer la Californie à l’affronter.

En novembre, le conseil municipal de Los Angeles a de son côté adopté une motion pour ne pas appliquer les futures lois sur l’immigration et ne pas collaborer avec les autorités fédérales. Avec 1,35 million d’immigré·es, soit 34 % de la population (et 4,4 millions d’immigré·es pour Los Angeles et son agglomération), la ville a ainsi endossé le rôle de « sanctuaire ».
Des millions de personnes en danger

Alors que près de 2 millions de personnes risquent l’expulsion, selon les données de l’institut de justice Vera, « les immigrés méritent de se sentir protégés dans la ville qui est aussi leur maison, peu importe qui est au pouvoir », a souligné Nithya Raman, élue municipale à l’origine de la motion. « Nous n’accepterons aucune rhétorique de la haine, ni de politiques destructrices qui sépareront des familles ou minimiseront leur rôle dans la société », assure-t-elle.

Pourtant, rien n’a empêché le début de l’opération « Retour à l’envoyeur » à Bakersfield, la semaine du 6 janvier, durant laquelle près de 180 immigré·es sans papiers ont été arrêté·es et des personnes expulsées. La Californie fait « tout son possible pour résister », assure Luz Gallegos, de Todec. « Il faut le faire sans violence. Combattre avec l’éducation pour permettre aux concernés de se défendre. » (...)

« Mon mari et moi étions hébergés chez son cousin, raconte Sandra. Mais tous les deux m’ont maltraitée et violentée. J’étais parfois interdite de sortie, je ne pouvais pas m’habiller comme je voulais, ils m’insultaient. » Elle s’excuse de pleurer. Elle vit depuis dans l’entrepôt du restaurant, où son patron lui laisse une chambre gracieusement.

La jeune femme voulait « juste une meilleure vie » aux États-Unis. Et offrir des soins à sa mère, très malade. « Au Salvador, tout est cher et le travail ne permet pas de vivre. » Son ex-mari a payé 15 000 dollars pour qu’elle gagne le Mexique en voiture ou en camion, traverse le désert de Sonora puis franchisse la frontière, en juin 2023. Elle doit aujourd’hui en rembourser une partie.

Le droit d’asile menacé

« Je savais que ce serait difficile, mais pas à ce point. Je ne pensais pas que Trump serait réélu. Et je ne comprends pas pourquoi il veut nous expulser massivement », déplore-t-elle. Beaucoup de ses amies sont sans papiers, et certaines risquent de voir leur famille séparée avec les expulsions. Il y a aussi des femmes âgées parmi les vendeuses de rue. « Quand on travaille, on aide aussi le pays à avancer. » (...)

« J’ai quitté la Chine à cause de Xi Jinping et du manque de libertés, mais je me rends compte que ce n’est pas mieux ici. » Xi, sans-papiers chinois aux États-Unis (...)