
Les lobbys agricoles font de plus en plus appel à des créateurs de contenus dans leur campagne de communication. L’objectif ? Rendre leur vision productiviste et chimique de l’agriculture attrayante aux yeux des 18-25 ans.
« Je trouvais ça sympa de faire une émission sur le monde agricole. Je n’ai pas vu le problème. » Mariappymeal, influenceuse aux 1,8 million d’abonnés sur TikTok, ne cache pas sa déconvenue ce 24 février. La jeune femme, de son vrai nom Maria Moreno, vient tout juste de participer à l’émission « On met les pieds dans le plat » diffusée en direct sur Twitch au milieu du vacarme du Salon de l’agriculture qui se tient jusqu’au 2 mars à Paris. Ce qu’elle ne savait pas au moment où elle a accepté l’invitation, c’est que l’organisateur de ce débat, le lobby de la filière céréalière Intercéréales, promeut une vision productiviste et chimique de l’agriculture, loin des transformations écologiques que devraient engager le secteur.
L’association, qui gère la production de maïs en France, une culture majoritairement exportée ou destinée à l’élevage intensif, soutient notamment les mégabassines. Après coup, l’humoriste regrette et lance gênée : « Lorsqu’on m’a prévenue, c’était trop tard pour faire machine arrière ». C’était la première fois que des influenceurs intervenaient dans cette émission, animée par Samuel Étienne, aussi présentateur de « Questions pour un champion ». Une opportunité pour Intercéréales, bras armé du syndicat agricole majoritaire FNSEA, qui y voit un moyen d’attirer une nouvelle audience. Les échanges ont fait la part belle à l’agro-industrie, sans « aucune remise en question. Tout va dans le sens des interviewés » acquis à la cause, dénonce Amélie Deloche, cofondatrice du collectif Paye ton influence dans un post Linkedin. « [C’est] un format promotionnel, assumé comme tel ». (...)
Les collaborations commerciales avec les influenceurs ne sont pas rares dans le secteur. Les créateurs de contenus populaires attirent, et les lobbys de l’agro-industrie le savent. (...)
Une position que ne digère pas Amélie Deloche, de Paye ton influence. « Les influenceurs ne le conscientisent pas, pourtant en participant à une collaboration avec Intercéréales, ils se lient à des concepts politiques sans en saisir les conséquences, signale-t-elle. Ils ont une part de responsabilité dans la transition écologique et doivent prendre connaissance des groupes avec lesquels ils collaborent avant de les promouvoir auprès de millions de personnes. »
La question écologique vite évacuée (...)
Pour Intercéréales, après trois heures de direct, le pari est réussi. Le public présent au Salon de l’agriculture applaudit et félicite les influenceurs. En ligne, même si une poignée d’abonnés de Samuel Étienne s’étonnent de cette collaboration, le direct a été globalement bien reçu. À la fin, certains internautes et quelques enfants sur place ont même fait part de leur envie de se lancer dans des études agricoles