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Au Sahara occidental, la France soutient la colonisation
#Saharaoccidental #Maroc #Macron #colonialisme
Article mis en ligne le 19 octobre 2024
dernière modification le 17 octobre 2024

En pleine « trêve olympique » et alors que le gouvernement français démissionnaire ne devait gérer que les affaires courantes, Emmanuel Macron a reconnu le plan d’autonomie marocain comme seule solution au Sahara occidental. Au mépris de la lutte pour l’autodétermination du peuple sahraoui.

Dans une lettre rendue publique le 30 juillet 2024 à l’occasion de la fête marocaine du Trône, célébrant l’intronisation de Mohammed VI, le président français, après quelques félicitations et célébrations des relations entre les deux pays, a offert au roi les mots tant attendus : « La France considère que le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Par cette annonce, la France se range ouvertement du côté du Maroc qui revendique la souveraineté sur le territoire du Sahara occidental depuis 1975.
Colonie marocaine

Depuis cette même année, les Nations unies considèrent pourtant cette ancienne colonie espagnole envahie par le Maroc comme un territoire non-autonome et devant donc faire l’objet d’un processus de décolonisation, avec la tenue d’un référendum d’autodétermination des populations locales – scrutin attendu depuis au moins 1991… Un statu quo entretenu par les alliés du Maroc, dont la France. En 2007, le Maroc a proposé un plan d’autonomie avec création d’une région autonome sous souveraineté marocaine. Le Front Polisario, mouvement indépendantiste représentant le peuple sahraoui au niveau international, a accepté d’ajouter cette option aux choix du futur référendum prévu par l’ONU – en plus de l’indépendance ou de l’intégration pure et simple au Maroc.

Le territoire est aujourd’hui occupé à 80 % par le Maroc qui y mène une véritable politique coloniale : peuplement, investissements, exploitation des ressources… Les Sahraoui·e·s subissent arrestations, torture, négation de leur culture. Sur le territoire « libéré », contrôlé par le Polisario, 150 000 Sahraoui·e·s vivent dans des camps, dans un environnement hostile par son aridité et ses fortes températures. La lutte pour l’indépendance du Sahara occidental, et plus largement la voix du peuple sahraoui, demeurent peu visibles à l’international (...)

Victoire diplomatique du Maroc

Cette annonce française s’inscrit dans une certaine continuité, la France ayant en réalité toujours soutenu le plan d’autonomie marocain qu’elle avait déjà présenté au Conseil de sécurité de l’ONU comme une « solution réaliste ». Mais c’est bien là que se situe le point de bascule, Macron ne considérant désormais plus le plan d’autonomie marocain comme une « base de discussion sérieuse et crédible », mais comme « la seule base » (...)

Surtout, le positionnement français répond à des enjeux économiques : les tensions diplomatiques devenaient un frein pour les affaires avec le Maroc, premier partenaire commercial et première destination d’investissements de la France en Afrique. La déclaration de Macron rouvre donc la voie aux entreprises françaises, notamment dans un Sahara occidental au potentiel très attractif : eaux poissonneuses, richesses du sous-sol… Des entreprises transnationales françaises y sont d’ailleurs déjà présentes – dans l’agroalimentaire (Chancerelle), le tourisme (Transavia UCPA), l’énergie (Engie), les banques (Société générale, BNP Paribas), les assurances (Axa)… Mais d’autres étaient freinées. Eiffage, par exemple, avait été écarté du projet de construction du port de Dakhla.

Certaines entreprises n’hésitaient d’ailleurs pas à réclamer à la France cette reconnaissance de la souveraineté marocaine (Jeune Afrique, 31/07/2024). Une attention particulière a été accordée à certains grands groupes français, qui ont été informés de la lettre présidentielle avant son officialisation et leurs dirigeants reçus par Emmanuel Bonne, le conseiller diplomatique d’Emmanuel Macron. Parmi lesquels Engie, EDF, Saint-Gobain, Safran, TotalEnergies (Le Monde, 30/07 /2024). (...)

Une économie au service de la colonisation

Macron considère le « développement économique et social de la région comme un impératif » et « salue les efforts faits par le Maroc à cet égard » (Jeune Afrique, 31/07/2024). Mais du point de vue des Sahraoui⋅e⋅s, ces « efforts » pour le développement de la région participent à la colonisation et au pillage de leurs ressources. Le Front Polisario a ainsi porté plainte contre plusieurs entreprises transnationales françaises depuis 2018 pour leurs activités sur le territoire occupé du Sahara occidental : Chancerelle, BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, Axa, UCPA, Transavia et Coface. L’enjeu étant que la Justice reconnaisse le territoire comme étant occupé et que soit démontrée la contribution, même indirecte, de ces entreprises à la colonisation. Ces plaintes n’ont pas abouti. Les activités économiques sur un territoire occupé doivent pourtant se faire selon le souhait et l’intérêt des populations locales, selon un avis juridique des Nations unies rendu en 2002.

Dans sa lettre, Macron prend soin, tout comme Stéphane Séjourné, alors ministre des Affaires étrangères, lors de sa visite au Maroc en février 2024, de lier le développement économique au « bénéfice des populations locales ». (...)

. Par l’affirmation de son soutien au plan d’autonomie, c’est donc bien une colonisation que légitime le président français. Ces investissements pourraient d’ailleurs être bientôt freinés par une décision de la Cour de justice européenne attendue cet automne sur deux traités commerciaux signés entre l’Union européenne et le Maroc, l’un sur la pêche, l’autre sur l’exportation de produits agricoles. En 2021, la Cour avait annulé ces traités au motif que la population sahraouie n’avait pas été consultée, mais un appel de la Commission et du Conseil européens ont suspendu cette première décision.
Algérie, dommage collatéral

Jusque là, la France avait tenté de ménager à la fois le Maroc et l’Algérie, soutien du Front Polisario. Avec cette annonce, reçue comme un affront par Alger, la France mise diplomatiquement et économiquement sur le Maroc. (...)