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France24
Au procès Le Scouarnec, la passivité des autorités sur le banc des accusés
#LeScouarnec #gouvernement #medias
Article mis en ligne le 27 mai 2025

Alors que le verdict est attendu mercredi dans le procès de l’ancien chirurgien Joël Le Scouarnec, accusé de viols et d’agressions sexuelles sur 299 patients, les victimes et organisations de protection de l’enfance regrettent le manque d’attention médiatique et politique à l’égard de l’une des plus grandes affaires de pédocriminalité de l’histoire judiciaire française.

Comment Joël Le Scouarnec, l’un des plus grands pédocriminels français, a pu agir pendant des décennies sans être inquiété ? Alors que le procès de l’ancien chirurgien accusé de viols et d’agressions sexuelles sur 299 patients, majoritairement des enfants, touche à sa fin, la question continue de hanter les parties civiles.

Pour dénoncer ce qu’elles considèrent comme une passivité coupable des autorités, une douzaine de victimes et leurs familles accompagnées de militants de la protection de l’enfance se sont rassemblées la semaine dernière devant le tribunal de la cour criminelle du Morbihan, à Vannes.

À leurs pieds, des vêtements d’enfants, des jouets et un cahier ont été dispersés sur un drap blanc. Chaque objet porte un numéro, à la manière d’une scène de crime passée au crible par la police scientifique. Tous déplorent le peu d’attention médiatique accordée, selon eux, à l’affaire et s’insurgent contre l’inaction du gouvernement malgré l’ampleur des crimes de Joël Le Scouarnec.

Pourtant, les victimes de l’ancien chirurgien ont tout fait pour attirer l’attention sur leur cause et, plus largement, sur la question des abus sexuels sur mineurs.

Nombre d’entre elles ont renoncé à leur anonymat pour témoigner publiquement à l’audience. D’autres ont appelé à l’action, comme Nicolas Gourlet, qui a demandé lors de son témoignage fin avril que "les choses changent pour qu’il n’y ait plus jamais d’autre Le Scouarnec". (...)

Au fil du procès, de plus en plus de victimes ont décidé de parler ouvertement à la presse avec un espoir : que "la honte change de camp", en référence au combat judiciaire de Gisèle Pelicot, dont l’affaire a été considérée par beaucoup comme un tournant dans la lutte contre les violences sexuelles. (...)

Des lacunes criantes

La présidente de La Voix de l’Enfant estime cependant que des avancées existent, comme les Unités d’accueil pédiatrique pour enfants en danger (UAPED) qui sont désormais présentes dans toute la France. (...)

"Je suis toujours stupéfaite de la légèreté des peines pour possession de pédopornographie", affirme Solène Podevin-Favre, co-directrice de la Ciivise, commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants. "Ce sont des gens qui prennent plaisir à voir un enfant se faire violer. Il faut les surveiller et les sanctionner en conséquence".

En 2021, la peine minimale pour détention ou consultation de pédopornographie est passée de trois à cinq ans. Les condamnés sont désormais inscrits d’office sur un fichier interdisant tout travail avec des enfants.

Mais ce qui choque dans l’affaire Le Scouarnec, c’est l’absence de sanctions disciplinaires de la part du corps médical, et ce malgré plusieurs alertes.
"Ne pas laisser entrer un prédateur"

Un psychiatre avait notamment exprimé des inquiétudes dès 2006 auprès du Conseil de l’Ordre des médecins, doutant de sa capacité à soigner des enfants "en toute sérénité ".

Pire encore : le chirurgien a été promu chef de service, et salué pour ses "excellentes relations avec les patients et leurs familles". (...)

Le Conseil de l’Ordre des médecins est accusé de n’avoir pas réagi aux alertes dans l’affaire. Le Scouarnec. En 2019, un rapport de la Cour des comptes pointait déjà la gestion défaillante des cas de violences sexuelles : entre 2014 et 2017, 43 % des plaintes ont été classées sans suite, et seulement 12 % ont abouti à une radiation.

Le rapport mentionne même explicitement l’affaire Le Scouarnec à la page 108, soulignant l’urgence de mieux partager les informations entre professionnels.

"Il n’existe pas en France de politique globale de protection de l’enfance, et c’est ça qui manque le plus", conclut Solène Podevin-Favre. "On empile des mesures sans donner les moyens d’une réponse cohérente et efficace face aux abus sexuels".

"Il faut rester vigilants. Et toujours accorder le bénéfice du doute à l’enfant", conclut Martine Brousse.