
Pendant deux jours, les avocats du fondateur de WikiLeaks et ceux des États-Unis ont présenté leurs arguments devant la Haute Cour de justice de Londres. Objectif de la défense : prouver aux deux juges que Julian Assange devrait avoir le droit de faire formellement appel de la décision d’extradition prise en 2021 à la demande de l’administration de Donald Trump.
Londres (Royaume-Uni).– Bien avant l’heure de rendez-vous de 8 h 30, ils étaient déjà en train de scander « Libérez Julian Assange ! ». Devant les bâtiments néogothiques de la Haute Cour de justice de Londres, on trouve des jeunes, des plus âgés, des Britanniques, mais aussi bien d’autres nationalités comme des Allemands, des Brésiliens ou des Suisses. (...)
« Nous devons défendre le journalisme, pour défendre nos démocraties », dit le jeune Helvète, qui se promène dans la foule avec un grand sourire.
Attachée aux grilles du palais de justice, on trouve la liste de toutes les récompenses journalistiques que Julian Assange a reçues. Et tout autour, sur plusieurs mètres, accrochés à certains poteaux, sont aussi noués des rubans jaunes (en écho à la mobilisation #YellowRibbons4Assange soutenue par Stella Assange, l’épouse du fondateur de WikiLeaks, en 2022 sur Twitter). (...)
Il y avait des centaines de rubans, mais aussi des centaines de personnes devant les cours de justice. Le plus grand rassemblement qu’elle ait vu, dit Stella Assange en montant sur l’estrade mardi matin. (...)
Pour les soutiens de Julian Assange et son équipe d’avocats, la ligne de défense est claire : Assange est un journaliste, un éditeur. Il a fait son travail en publiant des documents qui lui ont été transmis par Chelsea Manning, qui a elle-même été jugée en cour martiale et emprisonnée pour avoir été une lanceuse d’alerte, avant que le président Obama ne commue sa peine en 2017.
« S’il est extradé, Julian Assange sera le premier journaliste à être mis en cause au nom du Espionage Act [la loi américaine contre l’espionnage – ndlr] », explique Fiona O’Brien, la directrice de Reporters sans frontières au Royaume-Uni. « Cette loi ne permet pas de faire mention de l’intérêt public comme justification, explique-t-elle devant le tribunal. Mais publier des informations, parfois des infos qui ont fuité, est au cœur du travail de journalistes, donc ce serait très inquiétant pour la liberté de la presse et pour le droit à l’information des citoyens. »
À l’intérieur de la cour de justice, les avocats de Julian Assange avaient la parole le premier jour d’audience. Devant une salle pleine, au point que la plupart des médias ont dû se contenter d’un lien vidéo, voire audio. L’avocat d’Assange Ed Fitzgerald a d’abord dû excuser son client, trop malade pour venir à l’audience. Pourtant, comme le fait remarquer la juge Victoria Sharp, il avait demandé et obtenu le droit d’être présent. (...)
La santé de Julian Assange inquiète ses soutiens. (...)
Physiquement, il a pris cher. Psychologiquement, c’est de pire en pire. » (...)
Julian Assange est en danger, estime son épouse. Ses avocats insistent sur les risques pour la sécurité de leur client, mais évoquent aussi des menaces externes. « Il y a un véritable risque d’actions extrajudiciaires intentées contre lui par la CIA et d’autres agences », disent-ils. (...)
À la fin de la première journée d’audience, Stella Assange se présente une troisième fois devant les supporters pour les implorer de revenir le lendemain, quand les États-Unis auront la parole. Message entendu, car le mercredi matin, malgré la pluie, les mêmes étaient encore là. (...)
Claire Dobbin, qui représente les États-Unis, prend la parole. Julian Assange était « bien en dehors des activités de journalisme ou de journalisme responsable », dit-elle. Elle évoque des « agissements de hacker » et insiste sur l’un des arguments principaux de Washington : les révélations de WikiLeaks ont mis en danger la vie d’informateurs et d’espions à l’international.
« Plusieurs personnes ont disparu après la publication des câbles […]. D’autres ont été arrêtées après que leurs noms aient été révélés », dit l’avocate, mais elle ajoute qu’aucun lien n’a pu être « établi avec la diffusion des documents ». Claire Dobbin dit ensuite vouloir aborder « rapidement » la question du traité bilatéral évoqué la veille et excluant toute possibilité d’extradition pour opinions politiques.
Selon elle, la « loi britannique sur l’extradition », qui intègre le traité bilatéral dans l’arsenal législatif britannique et régule les demandes d’extradition faites au et par le Royaume-Uni, a « largement réformé » le traité en 2003. La mention d’exception d’opinions politiques aurait alors été « omise », avance-t-elle. Avant de conclure : « L’extradition n’est pas bannie pour délit politique. » (...)
les juges sont revenus pour dire qu’ils réservaient leur décision au moins jusqu’au 4 mars, en attente de la réception de certains documents.
Les soutiens d’Assange ont alors quitté les cours de justice pour marcher vers le 10 Downing Street, la résidence officielle du Premier ministre. Une manière de montrer qu’ils estiment que la solution ne viendra pas forcément des tribunaux, mais peut-être des volontés politiques, à Londres comme à Washington.