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France24/AFP
Au Maroc, la militante féministe Ibtissame Lachgar condamnée à 30 mois de prison pour blasphème
#Maroc #IbtissameLachgar #feminisme #repression
Article mis en ligne le 4 septembre 2025

La militante féministe marocaine Ibtissame Lachgar, jugée pour "atteinte à l’islam", a été condamnée mercredi à 30 mois de prison, selon l’un de ses avocats. L’un de ses avocats a fait part de sa volonté d’interjeter appel.

(...) La militante de 50 ans, connue pour son engagement en faveur des libertés individuelles, était poursuivie pour avoir publié sur les réseaux sociaux une photo d’elle vêtue d’un tee-shirt où apparaissait le mot "Allah" ("Dieu") suivi de la phrase "is lesbian" ("est lesbienne"), jugée "offensante envers Dieu" selon la justice marocaine.

Lors de l’audience devant le tribunal de première instance de Rabat, Ibtissame Lachgar a déclaré que son tee-shirt reprenait "un slogan féministe qui existe depuis des années contre les idéologies sexistes et les violences faites aux femmes (...) et n’a aucun rapport avec l’islam".

La psychologue clinicienne a expliqué au juge qu’elle avait déjà posté cette même photo sur Internet, notamment en mai 2025, sans qu’elle ne suscite de réactions, et qu’elle n’a porté ce vêtement que lors de manifestations féministes en Europe ou au Royaume-Uni.

La militante a été condamnée à 30 mois de prison ferme et doit payer une amende de 50 000 dirhams marocains, soit environ 5 000 euros, a déclaré Me Mohamed Khattab. Il a ajouté vouloir faire appel de cette décision et s’inquiéter de l’état "psychique" de sa cliente, incarcérée depuis le 12 août à la prison d’El Arjat, près de Rabat.

"Sur le plan juridique, il existe désormais la loi sur les peines alternatives. Nous allons présenter une requête dans ce cadre", a souligné l’avocat.
"Atteinte à la liberté d’expression"

Fin août, Naima El Guellaf, une avocate d’Ibtissame Lachgar, a affirmé que sa cliente était "traitée pour un cancer et devrait subir en septembre une opération critique au niveau de son bras gauche d’après ses médecins, qui alertent sur la possibilité d’une amputation si l’intervention chirurgicale n’est pas réalisée".

À l’annonce du verdict, sa famille et quelques proches ont fondu en larmes devant le tribunal.

"C’est un verdict choquant", "ce procès est une atteinte à la liberté d’expression", a déclaré à l’AFP Hakim Sikouk, président de l’Association marocaine des droits humains (AMDH).

L’image de la militante vêtue du tee-shirt en question était accompagnée sur les réseaux sociaux d’un texte qualifiant l’islam, "comme toute idéologie religieuse", de "fasciste, phallocrate et misogyne".

Cette publication a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux, allant des appels à son arrestation à des menaces de viol et de lapidation.
"Arrestation arbitraire"

L’un de ses avocats a rappelé, dans sa plaidoirie, qu’Ibtissame Lachgar avait déjà été entendue en 2022 par la police au sujet de cette même photo, sans qu’aucune poursuite ne soit engagée.

Le représentant du parquet a toutefois requis une condamnation selon les dispositions prévues dans l’article 267-5 du Code pénal marocain, qui punit de six mois à deux ans de prison ferme "quiconque porte atteinte à la religion islamique".

La peine est susceptible d’être portée à cinq ans d’emprisonnement si l’infraction est commise en public, "y compris par voie électronique".

"Nous considérons que l’arrestation d’Ibtissame Lachgar par les autorités est arbitraire, car elle n’a fait que publier un simple message exprimant une opinion particulière, sans violence ni incitation", a estimé Hakim Sikouk.

Ibtissame Lachgar a cofondé en 2009 le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (Mali) et a mené plusieurs campagnes médiatisées, notamment contre les violences faites aux femmes et la pédocriminalité.

Par le passé, son militantisme lui a valu plusieurs démêlés avec les autorités, notamment en 2016 et 2018, mais sans jamais donner lieu à des poursuites.