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Mediapart
Au Conseil constitutionnel, l’inéligibilité des élus en débat avant le jugement Le Pen
#ConseilConstitutionnel #elus #ineligibilite
Article mis en ligne le 23 mars 2025

Les « Sages » ont examiné une question prioritaire de constitutionnalité déposée par un élu local qui conteste sa révocation à la suite d’une condamnation. L’affaire, mise en délibéré au 28 mars, pourrait donner des arguments à Marine Le Pen, dont le sort judiciaire sera tranché trois jours plus tard.

(...) Le requérant a demandé au Conseil constitutionnel de statuer sur les conditions d’applicabilité des peines d’inéligibilité avec exécution provisoire (sans attendre un éventuel appel) pour les élu·es. Un sujet qui suscite la polémique depuis l’entrée en vigueur d’une loi en 2017. (...)

Cette loi, votée après l’affaire Fillon, fait que toute peine d’inéligibilité pour des atteintes à la probité s’accompagne automatiquement de son exécution immédiate, sauf si le juge décide de faire autrement en argumentant. Ce débat revêt des enjeux plus importants encore, depuis que le parquet de Paris a requis une telle condamnation contre Marine Le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires du Front national (et donc son inéligibilité immédiate).

Le jugement dans ce dossier doit être rendu le 31 mars, trois jours après la décision du Conseil constitutionnel sur la QPC de Rachadi Saindou. Ce qui pourrait donner des arguments à la cheffe de file de l’extrême droite dans sa bataille politique et médiatique contre l’institution judiciaire, alors même que sa situation diffère de celle soulevée par le dossier Saindou.

« Dissonance »

La QPC déposée par l’élu de Mayotte porte en effet sur la demande d’annulation d’un arrêté préfectoral pris à contre lui en 27 juin 2024, deux jours après sa condamnation par le tribunal correctionnel de Mamoudzou à deux ans d’emprisonnement, dont un an avec sursis, 50 000 euros d’amende et quatre ans d’inéligibilité avec effet immédiat.

En application de l’article L. 236 du Code électoral, le préfet a immédiatement déclaré l’élu démissionnaire d’office de ses mandats de conseiller municipal et de conseiller communautaire de la communauté d’agglomération, ce que l’intéressé a essayé en vain de contester devant le tribunal administratif et le Conseil d’État, arguant du fait qu’il avait fait appel de sa condamnation pénale, avant de saisir le Conseil constitutionnel. (...)

À plusieurs reprises, dans le cas de députés ou de sénateurs condamnés à une peine d’inéligibilité, les Sages se sont en effet prononcés contre la déchéance de ces élus tant que la condamnation pénale n’était pas définitive. Ce fut notamment le cas pour le député polynésien Gaston Flosse dans une décision de 2009 ou du sénateur des Bouches-du-Rhône Jean-Noël Guerini en 2021.

Disparités

Cette différence de traitement entre élus locaux et représentants de la nation apparaît dès lors comme une aubaine, pour qui veut revoir à la baisse les dispositions actuelles. (...)

Un troisième élu compte sur le Conseil constitutionnel pour relever la tête : Hubert Falco, ancien maire Les Républicains de Toulon, éjecté de son siège après sa condamnation en première instance puis en appel pour détournement des fonds publics. Ses propres tentatives ayant été épuisées, lui aussi s’est joint à la QPC de Rachadi Saindou en tant qu’intervenant volontaire, pour essayer d’assouplir la jurisprudence. (...)

cet argument d’une justice qui interviendrait à tort et à travers dans la vie politique a été balayé par le représentant de l’État, chargé de défendre la position du préfet de Mayotte. Chargé de mission auprès du secrétariat général du gouvernement (SGG), Benoît Camguilhem a écarté tout risque « d’arbitraire » dans l’application actuelle de la loi. Et de souligner que la révocation d’un élu n’entrave en rien sa possibilité de recours devant les tribunaux. (...)

Il a finalement fallu l’intervention de l’association Anticor pour voir défendue l’inéligibilité effective pour tout le monde. L’association se retrouvait là dans une curieuse situation pour défendre bec et ongles la constitutionnalité de la décision du préfet de Mayotte, le Conseil constitutionnel étant présidé par Richard Ferrand, contre lequel l’organisation anticorruption s’était constituée partie civile dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne. (...)

Dans ses écritures, son avocat Jérémy Afane-Jacquart a estimé que la « présente QPC est l’occasion pour le Conseil constitutionnel d’opérer une relecture de ses précédentes décisions relatives à la déchéance du mandat des parlementaires ». « L’élu n’est pas propriétaire d’une charge, il ne s’agit que d’un représentant », ajoute-t-il dans sa plaidoirie. (...)

« Sans exécution provisoire, nos contre-pouvoirs peuvent être paralysés, et ce n’est pas le moment », a-t-il encore appuyé, dans une allusion directe au risque de l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.