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Mediapart
Au cœur des supplices qu’inflige Pékin aux Ouïghours
#oighours #Chine #genocide
Article mis en ligne le 11 juin 2024
dernière modification le 10 juin 2024

Un témoignage, écrit dans son exil américain par le poète Tahir Hamut Izgil, expose le processus d’asphyxie des Ouïghours de la province occidentale du Xinjiang, en Chine. Une lente mais implacable mise au pas, qui s’apparente au génocide.

« Pékin considère que les Ouïghours ne sont pas “assez chinois” », analyse Nury Turkel, cofondateur du Uyghur Human Rights Project, dans un autre ouvrage sur le sujet publié en anglais. « Les autorités perçoivent leur identité ethnonationale, leur religion et leur héritage culturel pluricentenaires comme un manque de loyauté envers le Parti et une source de future menace politique envers l’État. » Le tour de force du texte de Tahir Hamut Izgil est de parvenir, anecdote après anecdote, à faire ressentir cet étouffement progressif de toute identité. (...)

À partir des années 2010, les restrictions, brimades et humiliations se font plus fréquentes. Les objets religieux sont les premiers visés, livres et tapis de prière sont confisqués par l’État. La répression s’étend très vite à tous les aspects du quotidien. Un jour, les bouchers doivent attacher leurs couteaux et hachoirs à leur plan de travail pour « empêcher des terroristes de s’armer avec ces lames et d’attaquer d’autres gens ».

Stratégies de contournement

Puis ce sont les radios à ondes courtes, fenêtres sur le monde extérieur, qui sont interdites à la vente avant d’être saisies chez les particuliers. Des manuels scolaires officiellement utilisés depuis des décennies sont interdits, et leurs auteurs arrêtés. Les prénoms considérés par Pékin comme « excessivement ethniques ou religieux » sont bannis. Les commerçants sont contraints de s’organiser en brigades antiterroristes. Des postes de police bourgeonnent à chaque coin de rue. Enfin, les arrestations, individuelles ou de masse, se multiplient.

Au fur et à mesure que l’emprise grandit, Tahir Hamut Izgil et ses amis poètes développent des stratégies de contournement, d’évitement, de survie. (...)

Un ami de Tahir Hamut Izgil, qui constate que « le monde se moque de ce qui [leur] arrive », en vient à souhaiter « que les Chinois conquièrent le monde » pour que « le monde entier goûte à la soumission ». « Ainsi, explique-t-il, nous serions tous pareils. Nous ne serions plus seuls dans notre souffrance. » (...)

le témoignage de Tahir Hamut Izgil se lit comme un polar psychologique. Il est d’autant plus glaçant qu’il reflète l’effroyable quotidien de plus de 10 millions de Ouïghour·es en Chine.

Tahir Hamut Izgil, Dans l’attente d’une arrestation. Mémoires du génocide ouïghour en Chine, Fayard, 300 pages, 21,90 euros.