
La réaction de La France insoumise aux attaques sans précédent du Hamas en Israël suscite de vives réactions à gauche, menaçant la solidité de la Nupes. C’est un vieux clivage qui resurgit, sur fond d’abandon relatif de la cause palestinienne.
Dès la première phrase de son communiqué, le groupe parlementaire de LFI insistait sur le contexte « d’intensification de la politique d’occupation israélienne à Gaza ». Jean-Luc Mélenchon déclarait pour sa part : « Toute la violence déchaînée contre Israël et à Gaza ne prouve qu’une chose : la violence ne produit et ne reproduit qu’elle-même. »
Droite, macronistes et opposants internes à la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) ont dès lors décoché leurs flèches contre le mouvement insoumis. Le camp macroniste a eu la dent particulièrement dure. La première ministre Élisabeth Borne a ainsi accusé LFI d’« ambiguïtés révoltantes », et renouvelé une critique ancienne selon laquelle leur « antisionisme [masquerait] une forme d’antisémitisme ». Sur cette base, le sénateur Jean-Pierre Grand (Horizons) a carrément estimé que certains députés LFI n’avaient désormais « plus leur place au parlement français ».
« Minimum de compassion »
La maire de Paris Anne Hidalgo, à peine exprimée sa pensée envers les victimes israéliennes, a appelé le Parti socialiste (PS) à cesser sa « mésalliance » avec LFI, arguant que « ses positions contre Israël et son refus de condamner l’organisation terroriste Hamas sont insoutenables ». De même, le premier secrétaire délégué du PS Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen (Normandie) a réagi : « Qu’on ne nous parle plus de “rassemblement de la gauche” avec des gens qui ne sont pas capables de condamner clairement le terrorisme. » (...)
À première vue, le communiqué du groupe parlementaire de LFI, déplorant « les morts israéliens et palestiniens » et appelant au cessez-le-feu, n’exprime pourtant pas la même radicalité que celui du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), également l’objet de critiques ce week-end. (...)
Le problème, avec la position insoumise, réside plutôt dans la manière d’avoir (mal) nommé les choses, et d’avoir renvoyé aussitôt au cycle de violences dans lequel les dirigeants d’Israël, par leur politique de colonisation et leur mépris du droit international, ont une lourde part de responsabilité. Le texte publié au nom du groupe parlementaire ne parle en effet ni de crime de guerre ni d’actes terroristes, seulement d’« une offensive armée de forces palestiniennes ». Et sans s’attarder sur les atrocités commises, il évoque dès la première phrase le contexte d’occupation.
« Ils ont été maladroits en ne condamnant pas les actes du Hamas, ce qui était un préalable pour parler ensuite du fond et de l’histoire du conflit, commente Denis Sieffert, ancien directeur de la publication de Politis et spécialiste du conflit israélo-palestinien. C’est comme s’ils n’avaient pas mesuré l’ampleur de la tragédie. » (...)
Sur les réseaux sociaux ce week-end, le contraste était net avec les responsables socialistes publiant des messages de condamnation centrés sur les victimes israéliennes, n’évoquant ni la longue chaîne de violences dans laquelle s’inscrit cet épisode, ni la suite prévisible qui se traduit aujourd’hui par le siège et le bombardement de Gaza par l’armée israélienne.
Une attitude qui leur a attiré en revanche de nombreux messages fustigeant leur silence à propos des meurtres de Palestiniens moins spectaculaires, mais réguliers, commis par des militaires et colons israéliens. (...)
les Insoumis ne sont pas une force homogène sur la question. Signe que le communiqué insoumis a été rédigé sans tenir compte des sensibilités diverses que compte LFI sur le sujet, François Ruffin s’est distingué par un message sur X, mentionnant les « images insoutenables » des attaques du Hamas et exprimant sa « condamnation totale » de ces dernières – à laquelle s’est joint, pour lever toute ambiguïté, le chef des Insoumis Manuel Bompard lundi matin à la télévision.
Clémentine Autain, dans un billet de blog il est vrai plus tardif, a également réprouvé les « monstruosités » du Hamas, et souligné que « le terrorisme n’est en aucun cas une solution libératrice pour les peuples ». Ce lundi, Le Figaro révèle en outre une lettre postée par le député de Paris Rodrigo Arenas sur la boucle de messagerie interne du groupe LFI. « La justesse des causes anticoloniales et du refus des oppressions perdent leur légitimité le jour où elles acceptent les massacres de civils et le terrorisme aveugle comme des stratégies militaires acceptables », leur écrit-il. (...)
Cependant, il ne faut pas exagérer le dissensus interne à LFI, dont les approximations ont été instrumentalisées à des fins d’ostracisation, toujours propre à resserrer les rangs insoumis. Clémentine Autain, dans Libération, défend ainsi son mouvement : « Si je peux comprendre que l’on pointe du doigt, ici un manque de clarté, là des maladresses, comment croire, laisser entendre ou dire sérieusement que LFI soutient le Hamas [...] ? C’est une insulte à ce que nous sommes, à ce que nous défendons. Élisabeth Borne ferait mieux de s’occuper des conditions du cessez-le-feu plutôt que de nourrir une polémique de pure politique intérieure. » (...)