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Apologie du terrorisme : l’instrumentalisation après l’intégration dans le droit commun il y a 10 ans
#ethique #politique #palestine #resistance #terrorisme
Article mis en ligne le 15 mai 2024
dernière modification le 13 mai 2024

Avant son transfert dans le Code pénal par la loi du 13 novembre 2014, l’apologie du terrorisme, qui consiste à présenter favorablement des actes terroristes, était réprimée par l’article 24 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Selon l’étude d’impact du projet de loi, cette introduction dans le Code pénal devait permettre d’appliquer à ce délit des délais de prescription allongés et des règles de procédure considérées comme étant plus adaptées (dont les techniques spéciales d’enquête, comme la surveillance ou les sonorisations…). Il était toutefois indiqué : « Il ne s’agit pas en l’espèce de réprimer des abus de la liberté d’expression, mais de sanctionner des faits qui sont directement à l’origine des actes terroristes. »

Le législateur avait ainsi d’emblée perçu ce risque de porter atteinte à la liberté d’expression, en opérant une modification législative susceptible d’entraîner une augmentation drastique des poursuites. Ce transfert a été critiqué par un certain nombre d’organisations et de juristes.

Près de dix ans après, les poursuites entreprises contre un certain nombre de personnalités publiques confirment les préoccupations qui étaient alors exprimées. Elles révèlent un dévoiement de cette infraction pénale pour criminaliser, en pratique, ce qui relève d’un débat d’idées. Ce débat d’idées doit d’autant plus être préservé compte tenu des circonstances à Gaza, ayant notamment conduit la Cour internationale de justice à alerter sur « un risque réel et imminent de Génocide ». De telles poursuites tranchent plus généralement avec l’inertie des pouvoirs publics à véritablement lutter contre les expressions qui, elles, encouragent la poursuite des opérations d’Israël à Gaza, au titre d’un droit à la légitime défense. (...)

Le fait est que, s’agissant de certains individus constituant des menaces, ce transfert dans le Code pénal a eu des effets louables, en permettant de mieux les identifier et de mieux réprimer ces actes. (...)

Une forme de censure

Les convocations dernièrement intervenues, touchant des personnalités publiques exprimant des points de vue sur le conflit de Gaza, parfois avec une certaine virulence, traduisent un dévoiement des objectifs initialement fixés par le législateur en 2014. (...)

La persistance des attaques et bombardements, alors que Gaza s’enfonce dans une crise humanitaire, oblige à la mobilisation alors que le droit international se montre, pour l’heure, totalement impuissant. Dans ces conditions, le fait d’auditionner les personnalités qui s’expriment peut difficilement s’observer, au regard de la loi pénale, autrement que comme une forme de censure. Cette censure est aggravée par son inscription dans un calendrier électoral marqué par la tenue des élections européennes qui sonne comme un effet d’aubaine pour fragiliser certains partis politiques, alors que LFI a notamment placé au cœur de son programme la question de Gaza. (...)

Si une circulaire du garde des Sceaux en date du 10 octobre 2023 appelle à des réactions systématiques face aux faits apologétiques, cela ne doit pas conduire à effacer tout effort de discernement.

Il faut également souligner ici que la France a aussi une part de responsabilité dans ces expressions multiples et de temps à autre malhabiles, en raison de l’ambiguïté de ses relations avec Israël. (...)