
Depuis août, le ministère de l’éducation refuse de rendre publique l’enquête administrative visant l’établissement privé catholique où sont scolarisés les enfants de la ministre. Discours homophobes, sexisme, humiliations… : le rapport demande à Stanislas de se mettre en conformité avec la loi.
« Je vais être très claire, ce rapport d’inspection n’est pas sur mon bureau », déclarait Amélie Oudéa-Castéra vendredi 12 janvier au micro de Mediapart. Si la ministre affirme ne pas l’avoir, le rapport a pourtant été remis au ministère de l’éducation le 1er août dernier. Depuis, Gabriel Attal comme Amélie Oudéa-Castéra refusent de le rendre public. Mediapart le publie en intégralité. (...)
Ce rapport de trente pages montre que l’établissement, qui compte des classes de maternelle, primaire, collège, lycée et classes préparatoires, ne respecte pas la loi en obligeant tous ses élèves à suivre une heure hebdomadaire de catéchèse (l’enseignement de la religion catholique), de la maternelle aux classes prépa. Dans ces cours, des intervenants tiennent des propos homophobes, anti-avortement, font la promotion des thérapies de conversion et demandent à « pardonner aux violeurs ». (...)
Ainsi, tous les élèves sont contraints de se rendre à la chapelle de l’établissement pour les temps consacrés à la confession. Le rapport révèle aussi de graves dérives lors de l’heure de catéchèse. « Certains catéchistes expriment des convictions personnelles qui outrepassent les positions de l’Eglise catholique, par exemple sur l’IVG en tenant des propos remettant en cause la loi, ou susceptibles d’être qualifiés pénalement sur l’homosexualité », peut-on lire.
Les classes de 4e par exemple, apprennent dans des livrets de catéchèse que « l’avortement signifie (...) toujours tuer volontairement une personne humaine innocente ». Plusieurs parents interrogés estiment aussi que cette formation a « une tendance au prosélytisme », qu’« il y a une incitation à être baptisé », « les élèves baptisés devant lever le doigt... si vous n’êtes pas baptisée, vous serez damnée et irez en enfer », ou qu’elles donnent lieu à des « critiques contre les autres religions ».
Selon plusieurs témoignages, une intervenante à ces cours de catéchèse a pu déclarer que « l’avortement était encouragé parce que les fœtus étaient utilisés pour des médicaments, le Doliprane notamment ». Un autre que « Francois Hollande était un danger pour la République puisqu’il défendait la théorie du genre. » La mission d’inspection a également reçu un signalement pour des propos homophobes tenus par un catéchiste, un intervenant du collège assurant la catéchèse : en janvier 2023, il aurait parlé « de sodomie qui apporte le sida, de l’homosexualité qui est un péché, qui est une maladie qui vient du fait que maman a trompé papa ». (...)
Si le catéchiste en question a été écarté depuis, les inspecteurs pointent de graves dysfonctionnements et des alertes de parents, à partir du mois de janvier 2023, totalement ignorées. (...)
« Cette situation révèle un triple dysfonctionnement de la catéchèse, aggravé par le fait qu’elle est obligatoire et intégrée dans l’emploi du temps des élèves », ajoutent les inspecteurs. « La gravité des propos est minimisée par l’encadrement et leur possible impact psychologique sur des adolescents n’est pas pris en compte. » (...)
De graves dérives dans les autres cours
Les inspecteurs ont constaté que le contenu des enseignements en lien avec l’éducation à la sexualité, en SVT (sciences de la vie et de la terre) et en EMC (enseignement moral et civique), ainsi que dans d’autres disciplines, n’est que très partiellement, voire pas du tout, renseigné sur la plateforme numérique de l’école. Un seul professeur de tout l’établissement respecte les programmes officiels en traitant de la contraception en classe de 4e et de 3e. (...)
L’une des dernières intervenantes disait « des choses aberrantes, par exemple que les hommes ont des pulsions que les femmes n’ont pas et qu’elles doivent subir… ».
« Le parti pris de certains professeurs de SVT de ne pas parler des infections sexuellement transmissibles (IST), les propos tenus lors des conférences d’éducation à la sexualité sur les dangers de la contraception chimique, et enfin les dérives relevées en catéchèse sont susceptibles pour la mission de porter atteinte à la santé des élèves », pointent les inspecteurs qui dénoncent l’absence de contraception d’urgence disponible dans l’établissement. (...)
Enfin, le rapport révèle un contournement de la procédure nationale Parcoursup : « Certains élèves sont incités à renoncer à leurs autres vœux dans Parcoursup au moment de la finalisation du dossier en échange de la garantie d’être admis sur leur vœu dans une classe préparatoire de l’établissement. » (...)
En guise de conclusion, les inspecteurs livrent de nombreuses recommandations pour que l’établissement se mette en conformité avec la loi. (...)
Interrogés pour savoir si le ministère de l’éducation comptait rendre public ce rapport, ledit ministère comme Matignon refusent de nous répondre. Amélie Oudéa-Castéra, qui a défendu Stanislas pendant l’enquête selon nos informations, compte-t-elle suivre les recommandations de la mission ou se déporter ? Ses conseillers refusent eux aussi de nous répondre. Et puisqu’elle l’a choisi pour ses enfants, la ministre considère-t-elle ce type d’éducation comme un modèle à suivre ?