
À l’heure des 90 ans de la manifestation des ligues fascistes du 6 février 1934, le projet fasciste continue de lorgner vers l’école. L’accent mis par un certain nombre de politiques sur la « bataille culturelle », la « métapolitique » ou les « victoires idéologiques » font de l’école le terrain idéal pour la restauration d’un ordre moral profondément inégalitaire et répressif.
Tourné vers le patriotisme et la préférence nationale, l’ordre que défendent les projets scolaires propres aux extrêmes-droites est aussi un ordre sexuel, réactivant les principes de domination du patriarcat, l’essentialisme de genre, l’hétéro-normativité et une profonde inégalité « naturelle » entre les garçons et les filles.
L’actualité de la question du genre à l’école et plus loin, de l’éducation à la sexualité, est « brûlante », en un sens dramatique et inquiétant. Rapport d’inspection sur le lycée Stanislas, désaveu par les autorités politiques de la CIIVISE1, réactions violentes à la loi EVRAS2 en Belgique, rumeurs et panique morale autour des ABCD de l’égalité3, campagnes de calomnie de Parents Vigilants… des faits nombreux et récurrents donnent un aperçu de l’organisation de l’offensive fasciste pour (r)établir un ordre sexuel fantasmé. Ces faits nous obligent à prendre au sérieux la vision fasciste de la vocation naturelle des femmes et des hommes, ainsi que la référence à une sexualité naturalisée chargée de violence. À nous de nous interroger sur les armes d’une école émancipatrice porteuse d’égalité face à l’ampleur de la menace. (...)
Dès la fin du XIXème siècle, le projet politique de l’école est pris dans une tension entre les valeurs émancipatrices de ses fondateurs révolutionnaires et le conservatisme essentialiste appuyé sur les inégalités de genre, de classe et de race. (...)
La nature éminemment politique de toute vision de l’école se trouve souvent masquée par une forme de protestation d’innocence, qui revendique la « neutralité » de l’école, comme si c’était la condition d’une transmission des savoirs et d’une justice scolaire impartiale. Dans le débat public, le recours à la neutralité est fréquemment utilisé par les promoteurs d’une école partiale, discriminatrice, orientée sur la préférence nationale et sur la préférence masculine. Cette conception fasciste de l’école se prétend « neutre » au sens où elle serait tout simplement inscrite dans un ordre naturel, au diapason de lois immuables et nécessaires. À l’inverse, les partisan·e·s d’une école dont l’existence en tant qu’institution ne peut être justifiée que par sa capacité émancipatrice et transformatrice de la société vers un idéal de justice et d’égalité, celleux-là sont taxé·e·s d’idéologues. (...)
Le fait que l’école puisse effectivement jouer à plein son rôle émancipateur suscite un effroi légitime chez les privilégiés, les établis qui détiennent des éléments de pouvoir, réels ou fantasmés. (...)
La répression sexuelle a participé à la mise en place d’un patriarcat très autoritaire, employant la religion chrétienne à des fins répressives. Cet ordre patriarcal a été essentiellement institué au sein de la famille autoritaire. (...)
Ce n’est qu’en 1973 avec la circulaire Fontanet, arrachée grâce aux luttes d’enseignant·es comme la professeure de philosophie Nicole Mercier, d’élèves et de syndicats, qu’une éducation sexuelle (et non simplement de l’« information sexuelle ») réellement émancipatrice est entrée – certes avec beaucoup d’hésitations et de précautions oratoires – dans les programmes scolaires. (...)
Le contexte actuel nous contraint à nous ressouvenir de 1934 et mérite un bref état des lieux des mobilisations fascistes, notamment sur la mission attribuée à l’école d’être l’instrument de la politique sexuelle fasciste. (...)
Une telle politique se donne à lire dans le rapport des inspecteurs de l’Éducation Nationale sur le Collège-Lycée Stanislas, pointant le non-respect des programmes de SVT et d’éducation sexuelle et affective. (...)
Le rapport de la CIIVISE porte au public une réalité douloureuse et difficile à admettre : la famille est un lieu où la domination masculine et les violences sexuelles incestueuses se sont exercées pendant des siècles et continuent de s’exercer sur les femmes, ainsi que les mineur-es de moins de 18 ans. Ces dernièr.es situé.e.s dans un rapport d’asymétrie vis-à-vis des adultes, sont les victimes privilégiées de ceux qui continuent à se prendre pour des chefs de famille.
C’est cet ordre sexuel-là, constitué de domination patriarcale, d’inégalités de genre, de violences sexuelles, d’hétéronormativité homophobe et transphobe, que défendent les nouvelles ligues fascistes reconstituées au XXIème siècle, à travers les groupes de pression des Parents Vigilants, des Mamans Louves, des groupes identitaires ou nationaux-révolutionnaires, jusqu’aux projets des partis politiques d’extrême-droite. C’est contre cet ordre sexuel fasciste que la CAALAP défend une école éclairée et égalitaire, porteuse d’une éducation sexuelle et affective émancipatrice.