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A69 : des gendarmes auditionnés après des chutes d’opposants
#A69 #ZAD #resistances #agressions #repression
Article mis en ligne le 10 octobre 2024
dernière modification le 7 octobre 2024

Quatre chutes d’opposants au projet d’autoroute Toulouse-Castres en trois semaines, lors d’opérations pour les déloger. Voilà qui soulève des questions sur la cellule nationale d’appui à la mobilité (CNAMO), un corps d’élite de la gendarmerie créé en 2011 pour lutter contre certaines actions de militants écologistes.

(...) Pour tous ces accidents, la CNAMO est montrée du doigt. Une enquête est d’ailleurs en cours, confirme le service de presse de la Gendarmerie, le SIRPA : « Concernant les faits que vous évoquez sur le chantier de l’A69, une enquête est toujours en cours diligentée par les parquets de Toulouse et Castres. (...)

Cinq vertèbres brisées (...)

La chute a duré sept longs mètres. Les policiers venus enquêter pour le compte du procureur de Castres pour « accident ayant entraîné des blessures graves » ont pu voir des vidéos prises du sol par les gendarmes confirmant les dires du jeune homme. Celui-ci se demande encore pourquoi la nacelle n’a pas été utilisée pour venir le déloger, pourquoi il a été mis sous une telle pression alors que par ailleurs tout le terrain était maîtrisé : « Cette intervention dans la précipitation ne m’a pas parue pertinente du tout. » (...)

La CNAMO, « unité d’élite »

Les six hommes de cette unité d’élite sont arrivés dans le Tarn en février 2024. Leur mission est expliquée dans une vidéo sur le site du ministère de l’Intérieur par le gendarme « Matthieu » : « Intervenir sur tout point de blocage terrestre, que ce soit la réduction de barricades, le désentravement de personne ou la reconnaissance d’axes, le décrochage de personne et la destruction de toute structure faite par les manifestants. [Ce qui doit être accompli] sans blesser les activistes. »

Ce corps qualifié d’outil d’appui par la Gendarmerie a été créé en 2011 pour « faire face à la montée en puissance d’activistes anti-nucléaire, qui, à titre de protestation, procédaient à des blocages, aussi bien terrestres qu’aériens ». Il a à son actif : le G8 à Deauville, le G20 à Nice, le G7 à Biarritz, Notre Dame des Landes, les ZAD de Sivens, Roybon, Agen, Oléron, Bure ou encore Strasbourg. Des dossiers où la violence exercée par les forces de l’ordre a en général donné lieu à des plaintes et apporté son lot de matière au grand débat sur la violence d’État. Toujours est-il que la présentation officielle de ces « six sous-officiers ultra-expérimentés » est loin d’être recoupée par les témoignages recueillis sur le terrain. (...)

(...) méconnaissances sur la résistance mécanique des branches, des difficultés à se déplacer dans les arbres, les mensonges, les insultes, la privation d’eau et de nourriture. (...)

Le 25 septembre, la ligue des droits de l’Homme de Toulouse rendait public un rapport reposant sur de nombreux témoignages. En voici un court florilège : « J’ai vu la CNAMO au sol. Ce n’est pas du matériel de sécurité qu’ils avaient. Baudriers et mousquetons n’étaient pas sécurisés pour les arbres, les passages de cordes… » ; « Ils sont surtout spécialisés sur les activi[stes] écolos qui s’accrochent mais ils ne sont pas vraiment formés à évoluer dans les arbres. On a eu de la chance. » (...)

Depuis qu’ils ont été entendus comme témoins, il est possible que ces gendarmes spécialisés aient revu leurs méthodes puisque le 27 septembre, pour la première fois en sept mois de missions ponctuelles le long de l’A69, ils ont placé sous les arbres occupés un matelas gonflable destiné à amortir d’éventuelles chutes. Le capitaine en fonction le 1er octobre au Verger a même lâché quelques infos à l’observateur de la LDH venu constater l’état des cinq personnes encore présentes sur deux arbres. Il a expliqué que, sur le terrain, c’est le gendarme le plus gradé qui commande, tout en laissant faire la CNAMO pour le côté technique des opérations. Il fait appel à eux « selon les nécessités » mais avec l’autorisation de sa hiérarchie au plus haut niveau. Des informations partielles, voire contradictoires qui ne pallient pas l’absence de réponse à nos questions posées au SIRPA. Ici, dans le Tarn, le décès de Rémi Fraisse, 21 ans, tué le 26 octobre 2014 par une grenade lancée par un gendarme, alors qu’il s’opposait au projet de barrage de Sivens, reste un traumatisme pour les défenseurs de l’environnement. A chaque accident, l’image de l’étudiant mort il y a 10 ans ressurgit dans les esprits.