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Mediapart
À Valence, après les inondations, l’extrême droite capitalise sur la catastrophe
#Espagne #Valence #inondations #extremedroite
Article mis en ligne le 12 novembre 2024
dernière modification le 9 novembre 2024

À la suite des intempéries qui ont fait plus de 200 morts, les attaques des partis et groupuscules d’extrême droite redoublent d’intensité. Les écologistes, les scientifiques et le gouvernement de gauche sont dans leur ligne de mire.

Chiva, Valence, Sedaví et Picanya (Espagne).– D’un coup, les rues se sont vidées de leurs volontaires qui s’activaient armé·es de pelles et de seaux, alors qu’une demi-heure plus tôt elles grouillaient de monde. Tout le monde s’est réuni une centaine de mètres plus loin, près de la mairie. La foule est compacte, dimanche 3 novembre, et elle attend patiemment. Le roi, la reine et le premier ministre espagnols sont attendus d’une minute à l’autre à Chiva, dans les hauteurs de la région de Valence. (...)

Dans la petite foule silencieuse de Chiva, on entend de temps en temps le son des vidéos sortant des haut-parleurs des téléphones portables. « Assassins ! assassins ! », criait la foule de Paiporta à l’adresse de la délégation.

À Chiva, le rassemblement ne semble pas beaucoup plus accueillant. (...)

Et lorsque les policiers lèvent le camp, annonçant l’annulation de la visite, ils sont conspués. « Lâches ! Lâches ! Lâches ! », crie la foule avant d’entonner le célèbre chant révolutionnaire « El pueblo unido jamás sera vencido ». (...)

Les écologistes en ligne de mire

Un autre message de l’extrême droite infuse au sein de la population sinistrée. Regardant de loin la foule attendre le roi, María Jesús Ferrer, résidente de Chiva, est méfiante. Elle ne croit plus vraiment aux autorités, alors l’annulation de leur visite, elle l’avait anticipée. « Les autorités ne gouvernent pas, elles pillent. Heureusement qu’on a eu de l’aide de citoyens », peste-t-elle. (...)

Cette idée, qui sonne comme un refrain, pointe directement des responsables présumés. « Les écologistes », avance, furieuse, une habitante de Sedaví. « Ils nous empêchent de nettoyer les lits de rivières pour protéger les poissons, et ça fait des morts ici », crierait-elle presque sur le pas de sa porte. Autre grief : « Ils empêchent aussi de construire des barrages pour protéger les villes situées un peu plus bas », pointe la riveraine, harassée par les journées et nuits de nettoyage, balayant d’un revers de la main l’argument du réchauffement climatique.

Là encore, le discours ne vient pas de nulle part. (...)

les scientifiques ne sont pas à l’abri. Il y a un an, plusieurs pontes du Parti populaire (PP), le parti de droite, avaient lancé une campagne contre l’Aemet, équivalent de Météo France de l’autre côté des Pyrénées. (...)

De son côté, le parti d’extrême droite Vox avait laissé entendre dans son programme vouloir s’en prendre à l’agence de l’État. Certains de ses responsables sont même allés jusqu’à partager un tutoriel permettant de désactiver les alertes de sécurité civile – qui ont fait défaut à Valence – sur les téléphones.

« Celui qui avait raison, c’est Franco »

La diatribe anti-écologiste est souvent accompagnée d’une allusion au « Plan sud ». Imaginé après les inondations de 1957 à Valence par le régime de Franco, il a consisté en l’aménagement d’un grand canal, déviant le fleuve Turia, à l’origine de l’inondation, qui passait par le centre-ville de Valence. (...)

À intervalles réguliers ces derniers jours, la télévision espagnole se fait piéger par des témoins encensant le bilan du dictateur, après avoir allègrement chargé Pedro Sánchez de la responsabilité de la catastrophe.

Parfois, le discours devient même confus (...)

De l’autre côté du fleuve Turia, les idées d’extrême droite font aussi leur chemin. Dans un bar animé d’un quartier populaire de Valence, la télé tourne à plein régime, les images des éditions spéciales choquent, et les éléments de langage de Vox fusent. (...)

Vox, « ils veulent porter au niveau national ce qui s’est passé à Valence », dénonce un militant socialiste de Valence, accoudé sur le comptoir du siège régional du parti. « Pour cela, ils ont demandé à mettre en place le niveau d’alerte 3, qui impose au gouvernement central de prendre les commandes, et de mettre de côté l’exécutif régional, géré par le parti de droite. Ils font d’une pierre, deux coups », analyse-t-il, l’air inquiet.