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À la Maison des livreurs, un peu de répit pour les travailleurs ubérisés
#Uber #livreurs #Bordeaux #solidarite
Article mis en ligne le 26 juillet 2024
dernière modification le 23 juillet 2024

À Bordeaux, un lieu unique permet aux livreurs à vélo de se protéger du froid ou de la pluie, de recharger leur téléphone et de prendre soin d’eux. Cet espace commun voit aussi naître la solidarité et les revendications collectives.

"Le travail le plus dur en France, c’est la livraison." Accoudé à une table de la Maison des livreurs de Bordeaux, l’homme secoue sa tête, encore coiffée de son casque de moto. « À quel moment la livraison marche le mieux ? Quand personne ne veut être dehors. Quand il pleut, quand c’est la canicule, quand il fait froid… Parfois, on n’arrive même plus à fermer nos sacs tant nos mains sont gelées », mime-t-il avec le bout de ses doigts sur sa sacoche en bandoulière.

Désormais, les livreurs bordelais disposent d’un lieu pour se réchauffer ou se reposer, poser leur imposant sac cubique, charger la batterie de leur téléphones et des vélos, ou juste passer du temps ensemble. L’homme au casque, assis dans la cuisine, s’appelle Youssouf Kamara. Il est président de l’association Amal, pour Association de mobilisation et d’accompagnement des livreurs. « Amal, ça veut aussi dire espoir [en arabe] », précise-t-il. (...)

L’organisation de coursiers a pour but de défendre les droits de ces travailleurs. Elle est partenaire de la Maison des livreurs et a participé à sa création, avec Médecins du monde. Ce lieu, situé à deux pas de la gare de Bordeaux et à quelques coups de pédales du centre-ville, accueille depuis février 2023 des travailleurs ubérisés en quête d’un peu de répit. Il leur permet aussi de se rencontrer puis de s’organiser pour porter leurs revendications, notamment grâce à Amal.

Prévention routière et droit des étrangers (...)

la Maison compte désormais près de 250 adhérents – le statut d’adhérent est nécessaire pour profiter du lieu. La croissance rapide semble dépasser même son coordinateur. « Rien que ce mois, on a eu 50 inscriptions en plus. On n’est pas loin de la masse critique », alerte le salarié. (...)

« L’hiver dernier, c’était déjà compliqué alors qu’on n’avait que 150 adhérents. Alors avec 100 de plus… » Le seul espoir serait de récupérer le bâtiment mitoyen. La demande a été faite à la mairie, sans date ni réponse définitive pour l’instant. (...)

Si la Maison des livreurs ne désemplit pas, c’est qu’elle répond à un fort besoin de la part des travailleurs des plateformes. (...)

Accidents et accès aux soins difficile

À la Maison des livreurs, les trois quarts des personnes ont moins de 35 ans. « Ce sont des travailleurs très très abîmés, très très jeunes », déplore Jonathan L’Utile Chevallier. Il avertit non seulement sur les risques d’accident, mais aussi sur l’exposition quotidienne à la pollution, un « scandale sanitaire » ignoré selon lui. Il explique aussi que certains vivent à la rue ou en squat, parfois en foyer. Les mieux lotis sont en colocation. « Il n’y a quasiment pas de location individuelle, souligne le coordinateur. Ce qui fait une grosse différence sur les conditions de vie, c’est le fait d’avoir des papiers ou pas. » (...)

Selon Youssouf Kamara, président de l’association Amal, une grande majorité des livreurs sont sans-papiers. Cela pose des problèmes notamment lorsqu’ils ont un accident de la route. « Le mieux, c’est presque d’avoir un accident tout seul. Quand un livreur se fait renverser, le premier à prendre la fuite, c’est lui, de peur que la police arrive », déplore-t-il. L’accès aux soins est d’ailleurs parfois très difficile pour ces travailleurs. (...)

C’est pour cette raison que l’équipe mobile santé-précarité du CHU de Bordeaux est là cet après-midi. La petite équipe vient toutes les deux semaines. D’autres permanences ont lieu entre temps, assurées tour à tour par Médecins du monde et la maison départementale de promotion de la santé. (...)

« En tant que livreur, et en tant que sans papiers, on ne s’attendait pas à être considérés et entendus. Pour nous, nos démarches pour trouver une maison pour les livreurs, ça n’allait pas aboutir à quelque chose. Quand il nous en parlait, je me disais que c’était une perte de temps. » La mairie de Bordeaux lui a donné tort, en donnant un lieu à ce projet. « On n’en finit pas de les remercier pour ce local », complète-t-il. (...) (...)