
Un habitant noir d’un quartier défavorisé s’est vu refuser par deux fois la réservation d’une salle municipale dans cette commune de Seine-et-Marne. Sous une autre identité, sa demande a été acceptée immédiatement. Pour les habitants, l’incident illustre la discrimination dont ils sont victimes de la part de la mairie.
(...) Adama D., réalisateur et porte-parole de l’association De mon cœur à ma rue, lui signale qu’il s’agit de discrimination, voire de « ciblage ethnique ». Le maire répond : « C’est ça, c’est tout ce que vous voulez, et c’est à la mode. Accuser les gens à chaque fois de discrimination raciale, c’est facile, ce n’est pas le cas ici. »
Puis enchaîne : « Si vous me considérez toujours comme un affreux raciste, forcément, on n’arrivera pas à s’arranger. Les décisions municipales n’ont jamais été teintées de racisme. Dans ma bande, j’ai quand même quelques personnes foncées. » L’assistance fait les gros yeux, certains s’indignent. (...)
Un quartier stigmatisé depuis trente ans
Les habitant·es parlent encore de l’opération policière de grande envergure qui avait marqué le quartier en 1996. On se souvient aussi de ce communiqué au début des années 2000, où le maire a qualifié le quartier de « furoncle », assurant aussi que « si vous êtes africain et polygame, vous pouvez à loisir pratiquer cette forme d’union pourtant interdite dans notre pays et obtenir tous les avantages sociaux correspondants ».
SOS Racisme a porté plainte en 2005 après que le maire avait fait distribuer aux habitants une lettre dans laquelle il affirmait : « Nous ne pouvons pas être la poubelle de la Seine-et-Marne », après l’arrivée d’une centaine de personnes de gens du voyage.
C’est à cette époque qu’Ourry Diabira a cofondé l’association De mon cœur à ma rue. (...)
La réaction en face se situe même complètement à l’opposé. Alain Kelyor, pour qui le clos d’Emery est un « îlot africain », multiplie les publications enflammées sur son compte Facebook. La fête organisée ? Une « fête religieuse, dans une rue aux couleurs du Mali », assure-t-il.
Sur son blog personnel, il ne fait pas non plus secret de ses positions, comme ici en 2023, dans un billet intitulé « Le racisme » : « Par un raisonnement pervers, la gauche française traite de raciste toute personne qui demande aux étrangers vivant sur notre territoire et à leurs enfants devenus très souvent Français de respecter nos lois, nos coutumes, notre mode de vie. Il me semble pour ma part qu’il s’agit d’un minimum [...]. Il est désormais évident que des mesures drastiques s’imposent afin que notre pays n’entre pas en guerre civile et que des Français moyens ne s’organisent pas en comité de défense afin de protéger leur famille et leurs biens. »
Alain Kelyor n’a pas répondu à notre demande d’entretien.
Le 30 novembre, Abdoulaye Sidibé a porté plainte pour discrimination. « Moi, j’essaie d’éduquer mes enfants en leur disant qu’on est tous pareils, qu’il faut respecter la police, les profs, les adultes. On essaie d’inculquer ça à nos enfants, et derrière, on subit ces choses. Comment leur expliquer ? », confie-t-il à Mediapart.
Pour la communauté du Clos d’Emery, il est important de ne plus rien laisser passer. (...)