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Y a-t-il des recours possibles à une procédure Dublin ?
Article mis en ligne le 9 décembre 2019

Les étrangers dublinés, sous le coup d’une procédure de transfert vers un autre pays européen, ont le droit de contester ce transfert devant la justice française. Un parcours toutefois semé d’embûches. InfoMigrants a fait le point avec des avocats spécialisés.

90% des recours échouent

“Prendre la décision d’entamer un recours en justice contre une procédure Dublin est un choix compliqué”, prévient Maître Aude Rimailho. “Car en cas d’échec, cela peut avoir une influence sur le délai de transfert.”

“Dans 90% des cas, les recours ne fonctionnent pas”, souligne encore l’avocate spécialisée en droit des étrangers. Toutefois, cette dernière a réussi à plusieurs reprises à faire annuler des procédures de transfert vers un autre pays européen pour des clients "dublinés".

Le délai de transfert est le temps dont dispose la France pour procéder au renvoi d’un dubliné vers le pays européen responsable de sa demande d’asile. La réglementation prévoit un délai de 6 mois - 18 mois si le dubliné a été déclaré en fuite (absence à deux rendez-vous). Une fois ce laps de temps expiré, le migrant peut déposer une nouvelle demande d’asile en France.

Un allongement de ce délai en cas d’échec d’une procédure de recours conduit le migrant dubliné à devoir attendre quelques mois de plus - cela peut aller jusqu’à 3 mois - pour avoir le droit de déposer cette nouvelle demande. (...)

Les avocats pointent les irrégularités administratives (...)

“Plusieurs formulaires doivent être remis par la préfecture au demandeur d’asile dans la langue qu’il comprend pour leur expliquer le règlement Dublin. C’est la loi. Et lorsque cela n’a pas été fait, cela peut être considéré comme un vice de forme”, explique Aude Rimailho.

La plupart du temps, les préfectures sont vigilantes. Elles font contre-signer les formulaires remis, mais dans deux cas où les formulaires, dans la “langue comprise”, n’avaient pas été données, les clients de l’avocate ont pu obtenir l’annulation de leur transfert.
Dans d’autres cas, ce sont d’autres vices de procédures, tels que le non-respect des délais, la brièveté de l’entretien de demande d’asile avec la Pada (moins de 10 minutes), ou l’absence de traducteurs lors des entretiens qui ont fait “tomber le Dublin”. (...)

“Je conseille vivement aux demandeurs d’asile dublinés de s’entourer d’associations et d’un avocat”, recommande Maître Touloudi, avocate spécialisée dans le droit des étrangers. “La procédure est complexe et des irrégularités peuvent être mises à jour. (...)

Toutefois il arrive qu’après la décision du tribunal, les vices de formes dans le dossier du dubliné soient tout simplement régularisés par la préfecture. Dans ce cas, la procédure Dublin n’est pas annulée pour autant.

Des défaillances dans certains pays de l’UE

Autre motif de l’annulation d’une procédure Dublin devant la justice française : les mauvais traitements dont les migrants font l’objet dans certains pays de l’Union européenne qui sont fréquemment mis en avant par les avocats des dublinés.

Les “défaillances systémiques” de la Grèce dans le traitement des demandes d’asile sont ainsi reconnues par la plupart des tribunaux, indique Maître Rimailho.

Quant à l’Italie, la Hongrie ou encore la Bulgarie et la Slovénie, certains juges ont déjà estimé qu’on ne pouvait pas y renvoyer des demandeurs d’asile, car leur prise en charge et le respect de leurs droits n’y étaient pas garantis.

Dans d’autres cas, l’Allemagne ou la Suède ont pu être pointés du doigt car ces pays expulsent vers l’Afghanistan, alors que la situation dans le pays est extrêmement dangereuse. (...)

Maladies graves ou grossesse avancée (...)

Des recours quasi-impossibles dans le temps imparti

Si les recours sont possibles, bien que leur issue soit très incertaine, le principal obstacle réside dans le temps très court dont disposent les dublinés pour aller en contentieux après avoir signé leur arrêté de transfert. “Beaucoup de dublinés viennent me trouver au cabinet, mais c’est déjà trop tard !”, déplore Maître Rimailho.

Dans la plupart des cas, le dubliné a 15 jours pour déposer son recours, mais si son arrêté de transfert est assorti d’une assignation à résidence, il ne dispose plus que de 48 heures, week-end compris. “Le pire des cas, c’est quand un dubliné reçoit son arrêté le vendredi. Il n’a que jusqu’au lundi pour trouver un avocat et contester la procédure en justice, c’est quasiment impossible”, explique Aude Rimailho.

À Paris, le Baam et le Bus du barreau de Paris Solidarité, situé porte d’Aubervilliers propose des permanences les vendredis après-midi pour porter conseil aux dublinés qui se retrouvent dans cette situation d’urgence. (...)

D’autres associations d’aide aux migrants, comme la Cimade, le Cèdre, l’association des travailleurs maghrébins de France (AMTF), proposent des consultations juridiques gratuites en semaine et orientent vers des avocats spécialisés.

En France, les migrants sans papiers ont le droit de demander l’aide juridictionnelle auprès des tribunaux. Ce système donne le droit à consulter un avocat gratuitement.