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Article pour la revue Reliance, de Rénovation
Voyages, voyages...
"La parentalité : du concept aux pratiques" Enjeux, définition et retours d’expériences le vendredi 18 octobre 2013
Article mis en ligne le 4 décembre 2013

Après avoir mis un point final à mon compte-rendu de « La parentalité : du concept aux pratiques » - ( vous pourrez le télécharger sur le site de Rénovation)- un petit air me trottait dans la tête avec insistance : « voyages, voyages... »

Certains illuminés (très fortunés), ai-je lu quelque part, se préparent pour un voyage interplanétaire sans retour, pour trouver « du nouveau » sans doute ?

Pourtant, en fait de voyage interplanétaire, nous sommes déjà embarqués, notre unique vaisseau est en surchauffe, et tout s’y accélère tellement que... voyage et découverte de l’inconnu, nous y sommes. Essayant de nous adapter mais c’est tous les jours à réinventer.

Dans ce contexte chahuté, se pose,aiguë et renouvelée,la question de la transmission entre les générations. Le famille est le miroir de la société en mutation où elle s’enracine, et nous la voyons se transformer sous nos yeux, en accéléré. Quels repères pourrait évoquer une grand-mère qui, comme la mienne, disait volontiers « de mon temps » ? en proposant des valeurs et des conduites censées avoir fait leurs preuves ? Cette résurgence d’une époque qu’ils n’imaginent même pas ferait bien rire ses petits-enfants, eux qui n’ont jamais connu d’autre monde que le roulis et le tangage présents, eux qui naviguent du matin au soir, embarqués-rivés dans leurs écrans-hublots où défile leur monde, et n’hésitent pas à franchir les océans, même sans avatar interposé.

Être parents aujourd’hui se révèle une aventure d’autant plus difficile qu’inédite. La mission, qu’on espère « possible », c’est devenir des « voyagistes » suffisamment compétents pour accompagner les enfants-voyageurs. La situation est tout aussi nouvelle pour eux,les parents : ils n’avaient pas prévu d’ être embarqués, privés de repères, dans l’inconnu ; quand on pouvait se référer à ses propres parents pour faire comme eux ou le contraire, c’était assez confortable ! Ces recettes traditionnelles n’ont plus la moindre efficacité. Les couples conjugaux se défont, mais tentent de rester couples parentaux, les familles se décomposent et se recomposent, les enfants voient se multiplier les beaux-grand-parents, les demi-frères et sœurs ; « enfants-valises » trop souvent, leur équilibre est mis en péril.

Dans le même temps, les exigences de la société se sont considérablement accrues. Les femmes sont attendues, non plus au foyer, mais au travail, sans toutefois abandonner le « care » : il leur revient de rester au service de la bonne marche de la famille et de tous ses membres. Nouvelle Étoile polaire, la Déclaration universelle des Droits de l’Enfant (ratifiée par tous les pays sauf les USA et la Somalie) est à la fois repère fondamental et source de tourments pour des parents ne sachant plus comment exercer une autorité auprès de jeunes qui leur échappent, livrés à des choix et à des appétits sans limites.

Nous vivons dans un monde où, de manière obsédante, l’individualisation, la création de chacun par soi-même est une injonction permanente : « tu dois réussir, tu es sur le fil, il n’y aura pas de seconde chance »... il s’agit donc d’être de bons parents, d’être un bon enfant, et ce n’est pas une petite affaire ; dans le même temps, le travail, ancien pivot structurant la vie familiale, s’est tellement transformé, parcellisé, flexibilisé, raréfié, que la complexité et la paupérisation croissantes créent des conditions de vie acrobatiques. Les fonctions parentales en sont profondément affectées ; il ne subsiste parfois du vivre-ensemble qu’une permanence minimum de l’un ou l’autre parent pour que le petit ne soit pas tout seul...
Le mot « parentalité » est apparu pour désigner la difficile et souvent périlleuse fonction, en construction, de ces « voyagistes » d’un genre nouveau, dont une part préoccupante lance des SOS-enfants-symptômes.

Notre société missionne donc ses travailleurs sociaux. Embarqués dans la même traversée incertaine, engagés aussi dans les difficultés de leurs propres familles, ils entrent en résonance avec celles qu’ils accompagnent. Sans travail sur soi-même, autant le reconnaître, ce métier n’est pas sans risques. A ce prix cependant peut se construire, non pas une « prise en charge de familles en difficulté », mais l’accompagnement à la parentalité des familles « échevelées ». Pour que l’enfant se développe le plus possible et le plus heureusement possible comme Sujet, ses liens doivent être préservés, soutenus, réparés s’ils sont trop abîmés.La continuité de l’attachement, racine principale, doit lui permettre de tenir par les grands vents d’aujourd’hui. Il faut donc trouver les moyens de rendre aux parents la confiance en leurs capacités d’attention, d’écoute, d’empathie envers leurs jeunes ; tordre le cou aux mythes des jeunes-dont-le-niveau-scolaire-a-baissé-qui-veulent-tout-et-ne-veulent-plus-travailler-...Quand il y a une relation très conflictuelle, parfois traumatique, entre un parent et un adolescent, on peut les aider à découvrir qu’ils ont plus de points communs entre eux qu’avec les autres membres de la famille... alors, quelque chose bouge. Sont à chercher activement – donc à découvrir, car on trouve ce qu’on cherche, finalement – les compétences, la créativité, les atouts non répertoriés des uns et des autres : la recherche de la Beauté peut se révéler un levier de changement très efficace dans un système familial jusque-là tétanisé par ses échecs. Proposer la rétroaction d’une vidéo commentée où sont choisis tous les signes parentaux accueillis positivement par le bébé : voir ce qui va bien, a un effet positif, permet de retrouver du plaisir à être ensemble, avec plus de réciprocité.

On bâtit sur de la fragilité, la parentalité touche à la fois à l’intime et au social, accompagner nécessite de se mouvoir dans une spirale qui conduit de la pratique au concept et du concept à la pratique....inlassablement.

Des politiques de soutien à la parentalité émergent dans beaucoup de pays : La famille est le résultat du monde où nous vivons aujourd’hui. La souffrance des adolescents dépasse souvent largement leur cercle familial. Les harcèlements sur internet, aux effets dramatiques, ne sont pas rares. Au Japon, où la pression scolaire est très forte, se développe chez certains une fuite massive de la vie sociale : ces « Hikikomori » ne quittent plus leur chambre et ne tolèrent que des contacts « en ligne »
La meilleure parentalité du monde ne sera pas en mesure de venir à bout des symptômes de maladies sociales graves ; aucun accompagnement à la parentalité non plus.

Aussi, à partir de ce que requièrent le sujet et sa famille pour « voyager » dans des conditions viables, devient-il nécessaire – et urgent sans doute - d’aller voir ce qui se passe aux commandes du vaisseau qui nous emporte ; d’interroger, d’infléchir, de modifier, les règles du fonctionnement du système social – pour changer de cap ?