
« Notre ennemi est le séparatisme », déclarait récemment le président Macron. Nous fûmes nombreux à penser qu’il parlait alors de lui. Car La république en Marche apparaît clairement comme le parti de ceux qui se sont séparés des autres. Mais ce séparatisme d’en haut, dénié, doit faire face à un phénomène qui en révèle la logique au grand jour : le coronavirus.
(...) Ajoutons qu’éborgner les manifestants à coups de LBD, faire agenouiller des jeunes les mains sur la tête à Mantes-la-Jolie, ou placer en garde à vue ceux qui s’inquiètent pour leur avenir et envahissent le siège de la multinationale BlackRock, ne semble pas relever du respect des règles de la République, sauf à comprendre celle-ci comme une entreprise de mutilation psychique et physique.
Toujours est-il qu’un séparatisme d’en haut, fondé sur le mépris et la violence, a lieu aujourd’hui non seulement en France, mais dans tous les pays où les gouvernements en place croient plus en leur capacité à enrichir leur famille ou l’industrie pétrolière qu’en quelque scénario consistant à enrayer l’emballement climatique. Mais ce séparatisme d’en haut, dénié, doit faire face à un phénomène qui en révèle la logique au grand jour : ledit coronavirus. Car les mesures prescrites par les gouvernements français, italien, ou chinois, exigent précisément de se séparer : ne pas se rassembler, ne pas sortir de chez soi, ne pas se toucher, et se laver les mains férocement – viendra le temps où l’on nous demandera de nous séparer de nos mains pour ne pas infecter nos visages, et de ne plus penser trop fort pour éviter que ne s’échappe un soupçon de vérité, et de ne plus employer que des mots stérilisés. Voilà une forme de séparatisme non pas dénié mais requis, un séparatisme de la survie et de la crainte, un séparatisme d’en bas en quelque sorte, rejeté vers le bas, au confinement imposé. (...)
comment dès lors expliquer la disproportion entre la dangerosité de ce virus – au taux de mortalité plutôt bas[2] - et la paranoïa globale qui l’enveloppe ? Pour qui a encore en mémoire les analyses d’un Baudrillard, cela n’a rien d’étonnant : c’est la globalisation elle-même qui est virale, et tend à transformer tout phénomène - atmosphérique, social, technologique – en agent se répliquant partout et à toute vitesse, en Mr Smith sans-gêne (à l’image du programme qui se réplique et transforme tout en Mr Smith dans la fameuse trilogie The Matrix). Et le coronavirus, c’est la globalisation couronnée (le latin corōna signifiant couronne), se répandant souverainement, menaçant moins la vie - il faut raison garder - que la capacité à enrayer la globalisation (dangereux par sa forme virale plus que par son fond de virus). Morne couronne, d’accord ; mais l’on continue hélas à élire des rois. (...)
Il est vrai qu’à l’heure de l’effondrement climatique, le danger pour les États est le suivant : il ne faudrait pas que deviennent évidents le séparatisme d’en haut, le mépris pour les peuples et la tentative des élites de se protéger le plus longtemps possible des effets de la destruction de l’environnement. Une telle évidence risquerait en effet de générer un séparatisme politique à visée révolutionnaire, et c’est ce séparatisme ni d’en haut ni d’en bas mais collectif, terrestre, à vocation planétaire, que pourraient craindre les gouvernements – car personne ne croit vraiment, sauf élucubration d’extrême-droite et angoisse catholique, que le soi-disant séparatisme Musulman pourrait donner lieu à une prise de pouvoir en France.
Il faut donc compter avec trois séparatismes : l’un, dénié, est celui des instances de pouvoir, le séparatisme d’en haut ; le second, approuvé et institutionnel, est celui que l’épidémie de coronavirus rend possible, un séparatisme de contrôle « biopolitique » comme on disait naguère ; ces deux séparatismes ont pour ennemi mortel celui qui ne doit en aucun cas advenir, le séparatisme généré par le virus politique du Grand refus. (...)
seule la viralité politique qui ne consent pas à l’ordre du monde, à sa globalité panique ou sa localité immunologique, est en mesure de contester les fondements de la Sixième Extinction. C’est en nous séparant de ce qui nous détruit que nous apprenons à nous allier - débarrassés du besoin de survivre au nom du désir de vivre.