
Un an et demi avant le viol présumé de Théo, Alexandre a également été blessé au rectum à l’aide d’une matraque par un policier municipal de Drancy, en Seine-Saint-Denis, où il venait d’être interpellé. Témoignage.
Maintenant, "je lâche tout". Car parler "fait du bien" à Alexandre. Tellement de bien, qu’on peine à suivre son débit fleuve. Le jeune homme qui fêtera ses 29 ans dans quelques jours affirme avoir été violé avec une matraque par un policier municipal, en 2015, lors de son interpellation musclée. "Alexandre et Théo, c’est la même affaire", plaide son avocat, Me Joseph Cohen-Sabban. "J’ai vécu exactement la même histoire que Théo", abonde Alexandre, qui admet néanmoins avoir été moins blessé que le jeune Aulnaysien.
Mais dans son cas, le parquet de Bobigny a écarté "le caractère sexuel du geste" pour retenir la qualification de "violences volontaires aggravées". Lors de l’audience devant le tribunal correctionnel, le 16 janvier dernier, six mois de prison avec sursis et une interdiction professionnelle d’un an ont été requis par le parquet à l’encontre d’Arnaud, un policier de 33 ans. Le jugement sera rendu ce lundi 20 février.
"Ma mère me dit que j’ai changé"
"C’est rien du tout ! Moi, j’attends qu’ils requalifient ça comme viol", enrage Alexandre. (...)
Du sang sera retrouvé dans la Peugeot 307 des policiers, sur le caleçon d’Alexandre, et son ADN sur la matraque du fonctionnaire de police. Pour sa défense, celui-ci a déclaré lors de l’audience : "Je ne me l’explique pas", "je n’en ai aucune idée". Le bâton de cet agent aux très bons états de service, et détenteur d’un diplôme de maniement de la matraque télescopique, aurait "ripé". Examiné dans la nuit par un médecin de l’unité médico-judiciaire, Alexandre souffre toutefois d’une "plaie ouverte" d’une profondeur d’1,5 cm et dix jours d’interruption temporaire de travail (ITT) lui sont prescrits. (...)
Sa voix tremble, repoussant les sanglots. "Après l’ITT, j’ai repris le travail. En portant une bouteille de gaz, la déchirure s’est rouverte", décrit ce couvreur de formation. La promesse d’embauche du patron s’envole. Depuis, il bosse au gré des "missions intérim", voit sa psy régulièrement et dort la plupart du temps chez ses parents à Stains, lui qui est pourtant domicilié à Drancy. "J’habite juste en face du commissariat", explique-t-il.
L’opprobre dans la cité
Avant de parler, avant l’affaire Théo, il y a eu la peur du regard des autres qu’il a fallu affronter. "J’avais un peu honte, se rappelle Alexandre. Tout le monde l’a su à Drancy, ça a parlé de moi." Et de rapporter cette scène avec des "petits du quartiers" refusant de le saluer, au motif que "on ne serre pas la main à ’des jeunes qui mangent des trucs des flics’".
Son avocat, Me Cohen-Sabban estime que ce qui est arrivé à Théo l’aide à sortir de son silence. "Alexandre était terrorisé à l’idée que le quartier apprenne qu’il s’est pris un bâton dans le cul, il se disait : ’Je vais passer pour un pédé’", analyse-t-il sans détour. Mais "quand ça nous arrive, on ne peut rien faire", glisse le Drancéen.
"On sanctionne, mais a minima"
Aujourd’hui, s’il reconnaît que "les flics ne sont "pas tous pareils", Alexandre lâche : "Je ne peux plus les voir, ils me dégoûtent." Le jeune homme en colère ne comprend pas pourquoi le fonctionnaire de police est encore en poste : "Nous, on va faire un truc à un flic, n’importe quoi, lui mettre une pêche [un coup-de-poing], et on va être en prison tout de suite !" (...)
"On sanctionne, mais encore une fois, on le fait a minima. Il y a un problème sur le traitement des violences policières en règle générale", déplore Me Nathan. (...)