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Violences conjugales : les adolescentes et les jeunes femmes, des victimes qui passent sous les radars
#Violences #Femmes
Article mis en ligne le 26 novembre 2022

La violence n’attend pas le nombre des années. Les filles de 15 à 25 ans, tout aussi exposées que leurs aînées, sont pourtant moins présentes dans les dispositifs d’aide.

Manon* a 16 ans lorsqu’elle rencontre son premier petit copain "sérieux". Elle aime Harry Potter, fait du théâtre avec sa troupe. Elle rêve de raccourcir ses longs cheveux bruns. Mais Antoine*, lycéen lui aussi, le lui interdit. Pour "éviter sa colère", l’adolescente renonce aussi à porter des vêtements courts ou moulants, coupe progressivement les ponts avec ses amis. "C’était comme si je me retenais de respirer en sa présence", se souvient Manon, aujourd’hui âgée de 25 ans. La veille d’une épreuve du bac, une violente dispute éclate entre eux. Antoine se rend devant chez les parents de Manon et menace de se suicider si elle le quitte. "C’était sa façon de me tenir en otage", résume la jeune femme.

"C’était ma première vraie relation et je m’y sentais comme dans une prison." (...)

Les violences conjugales n’épargnent pas les adolescentes et jeunes adultes, au commencement de leur vie affective et sexuelle. Parmi les femmes qui déclarent avoir été victimes de violences de la part d’un conjoint ou d’un ex-conjoint, 29% étaient âgées de 18 à 29 ans sur la période 2011-2018, selon le rapport "Cadre de vie et sécurité", du ministère de l’Intérieur. Pourtant, seuls 11% des appels au 3919, numéro national de référence pour les femmes victimes de violences, émanaient des 18-25 ans, d’après une étude du Centre Hubertine Auclert de 2016. (...)

Pour protéger ces jeunes filles et intervenir en amont du danger, un lieu spécialisé a ouvert en 2019 à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Le lieu d’accueil et d’orientation (LAO) baptisé Pow’her prend en charge les victimes de violences sexistes et sexuelles de 15 à 25 ans.

"Les jeunes femmes isolées n’ont souvent pas de revenus et ne sont pas prioritaires au 115 [qui permet d’avoir accès à un hébergement d’urgence], ce qui fait d’elles les proies rêvées des auteurs de violences", regrette la directrice du LAO, Amandine Maraval. D’autant que la majorité des jeunes filles qui frappent à la porte du centre ont déjà subi ou été témoins de violences intrafamiliales depuis l’enfance. (...)

La crainte de ne pas être crue

"Les filles craignent de ne pas être crues, c’est un des freins très forts qui les empêche de parler. Il est partagé par toutes les femmes, mais la capacité de discernement des jeunes femmes est davantage remise en question", analyse Ynaée Benaben. Pour améliorer la prise en charge de cette catégorie d’âge, la militante féministe a fondé l’association "En avant toutes". Dans le tchat dédié "Comment on s’aime", lancé en 2016, les jeunes filles peuvent poser leurs questions de manière anonyme.

Lors de ces échanges, l’association a observé l’existence de représentations tronquées chez les ados. "Dans l’imaginaire de quelqu’un de 17 ans, les violences conjugales concernent uniquement les femmes de 35 ans, mariées et avec des enfants", détaille Ynaée Benaben. Cette vision stéréotypée complique la reconnaissance des signaux d’alerte par les victimes et se conjugue à une banalisation, voire à une romantisation des violences. "Elles nous disent que cette situation s’explique parce que c’est passionnel entre eux", déplore la directrice générale de l’association, face à l’ampleur du chantier qui vise à briser le plus tôt possible les schémas de violence au sein des jeunes couples. (...)
"Au début, lorsqu’il me demandait constamment où j’étais, je trouvais même ça mignon et protecteur", témoigne-t-elle. Les premiers gestes de violences interviennent après trois ans de relation. "Ce soir-là, juste pour un message que je n’ai pas voulu lui montrer, il m’a soulevée et m’a étouffée", se souvient Agathe, qui décide alors de mettre fin à la relation. Il faudra un stage au Québec au sein d’une unité dédiée à l’accueil des femmes victimes, pour poser des mots sur ces trois années. "J’ai ressenti beaucoup de colère : je n’avais jamais entendu parler de violences conjugales chez les jeunes jusqu’ici. Comment est-ce possible ?" s’interroge-t-elle. A l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, Agathe interviendra une nouvelle fois dans un lycée pour raconter son histoire et expliquer que ce n’est pas ça, l’amour.