
C’est un non-lieu en forme de réhabilitation. Soupçonné d’avoir commis le pire des crimes, celui contre l’humanité, Sami Kurdi, un ancien officier de l’armée syrienne installé en France depuis sa défection, vient de voir son honneur rétabli par la justice. Dans une ordonnance datée du 25 janvier, la juge d’instruction Stéphanie Tacheau range très clairement l’ex-militaire de 43 ans dans le camp des héros et non celui des bourreaux. « C’est une satisfaction, mais je reste profondément choquée de l’ouverture de cette enquête, réagit son avocate Me Marie Dosé. Il n’aurait dû rencontrer l’institution judiciaire que dans un seul cadre, celui de la victime des crimes du régime de Bachar al-Assad. »
En février 2012, Sami Kurdi est l’un des premiers officiers à dénoncer la répression de la révolte par le régime de Damas et à rejoindre l’Armée syrienne libre (ASL) dont il devient un des porte-parole. Il enregistre même une vidéo dans laquelle il invite ses frères d’armes à le suivre. Sa famille en paie le prix : plusieurs de ses proches, dont son frère, sont exécutés.
Après avoir fui la Syrie en passant par le Liban, Sami Kurdi arrive en France en octobre 2013 avec son épouse et leurs trois enfants pour y déposer une demande d’asile. Sa femme obtient gain de cause, mais sa demande est rejetée par l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) puis par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Dans son arrêt, l’instance lui reproche d’avoir fait défection trop tard… Il est même menacé d’expulsion.
Mais ce n’est pas tout. En février 2017, l’OFPRA fait un signalement au parquet, estimant que l’ex-officier a pu se rendre complice des crimes du régime sanguinaire de Bachar al-Assad. Le 24 avril 2017, le pôle crimes contre l’humanité du Parquet national antiterroriste (PNAT) ouvre une information judiciaire pour torture, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. (...)
En conclusion, la juge rappelle que les moyens limités de la justice « doivent être mobilisés pour les investigations concernant des personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves et concordants […] et non celles à l’encontre desquelles il n’existe aucun élément probant après des mois d’enquête, enquête fondée au départ uniquement sur une déduction théorique et qui n’est corroborée par aucun élément du dossier, bien au contraire, puisqu’il est établi que Sami Kurdi a posé des actes forts démontrant qu’il s’opposait à la répression sanglante des civils lorsque l’armée syrienne en devenait l’outil. »
Lors de son interrogatoire, l’ex-officier s’était ému de son sort : « Je suis arrivé en France en ayant l’image du pays des Droits de l’Homme et de la liberté […] Je suis extrêmement déçu et choqué, car je suis venu pour être protégé et je suis aujourd’hui dans le box d’accusation… » (...)