
Depuis la capitulation d’Alexis Tsipras face à la Troïka, les événements se seront précipités et auront mis la situation politique européenne à nu : ce sont bien tous tous les éléments d’une guerre civile européenne qui se mettent peu à peu en place.
C’est du moins la thèse de l’éditorialiste britannique Ambrose Evans-Pritchard (The Telegraph) qui, comme beaucoup d’observateurs, a noté durant cet été l’émergence d’une « alliance des fronts de libération nationaux européens » pour venger la défaite grecque.
Pour une désintégration contrôlée de la zone euro
À commencer par la révélation du plan B ourdi dans l’ombre par l’ex-ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, pour organiser un système de liquidités parallèle à l’euro, et passible à ce titre de poursuites pour haute trahison !
Que l’on puisse criminaliser un ministre pour avoir voulu décider, en accord alors avec son Premier ministre, de la politique adéquate pour tirer son pays de la mouise où il s’enfonçait, c’est dire si le vernis de toutes les apparences démocratiques a volé en éclats au sein de ce qui reste de l’Union européenne et de sa monnaie unique.
Même un partisan acharné de l’euro comme l’Espagnol Pablo Iglesias (Podemos) en convient et réagit en conséquence : la leçon léniniste de la Grèce, déclare-t-il en substance, est que les forces révolutionnaires doivent montrer une poigne de fer.
En France même, on note le revirement (encore un brin prudent) du Parti de gauche sur la nécessité d’un plan B pour une possible sortie de la zone euro. Et il n’y a plus guère à gauche qu’un vieil appareil communiste usé pour ressasser en dépit du bon sens l’idée éventée d’une réforme de l’intérieur pour une « Europe de solidarité ».
Mais c’est en Italie, note Ambrose Evans-Pritchard, que la réaction à l’invasion de la Grèce par une coalition européenne sous influence allemande est la plus vive, y compris dans des rangs où on ne l’attendait pas. Stefano Fassina, ex-ministre adjoint des Finances du gouvernement Renzi, propose rien moins qu’une union nationale élargie pour « une désintégration contrôlée de la zone euro » :
« Nous sommes à un tournant historique. Le choix est dramatique. Syriza et le peuple grec ont eu le mérite historique indéniable d’avoir arraché le voile de la rhétorique européiste. »
Le talon d’Achille du système : la dette
Ce qui ressort de toutes ces réactions politiques au coup de force des autorités européennes et des créanciers contre la Grèce, c’est qu’une simple sortie de l’UE et de sa monnaie unique ne suffira plus à garantir l’indépendance d’un quelconque pays membre dissident.
Pas plus d’ailleurs qu’un vote populaire favorable à un mouvement politique rebelle. Le cas grec est suffisamment éclairant sur le sujet : tant qu’elle restera sur pied, jamais l’UE ne permettra le moindre écart à son dogme et elle tentera tout, absolument tout, même le pire, pour tuer dans l’œuf toute déviance, fût-elle démocratique. Et ce pour une raison fort simple : toute déviance vaudrait condamnation à mort du système.
Dès lors, c’est aujourd’hui la destruction totale des fondations de l’UE et de sa monnaie unique qui doit impérativement être envisagée.
La tâche peut sembler insurmontable. Pourtant les réactions quasi spontanées qui se sont multipliées en Europe depuis la capitulation d’Alexis Tsipras montrent que l’exaspération est à son comble et qu’une volonté manifeste est en train de se dessiner en faveur d’une telle éventualité, favorisée par la conduite démentielle et suicidaire d’un appareil européen à bout de souffle et d’imagination, rendu possible en frappant le talon d’Achille du système : la dette extravagante, qu’un défaut, contraint ou mieux encore, ordonné, dynamitera sans coup férir. (...)