
Le ministre de l’Education nationale, qui présentait ce mardi son plan de formation à la laïcité, a estimé que les enseignants devaient « adhérer aux valeurs de la République et les transmettre », ou « sortir de ce métier ».
Le message envoyé par le ministre de l’Education ce mardi lors du lancement de plan de formation des enseignants à la laïcité est on ne peut plus clair.
Dans un bel élan zemmourien, Jean-Michel Blanquer a estimé que les profs devaient « adhérer aux valeurs de la République et les transmettre », ou sinon, roulement de tambour, « sortir de ce métier ». Voilà sa citation exacte : « Si vous voulez devenir plombier et que vous avez un problème avec les tuyaux, vous choisissez un autre métier. Il faut en faire un autre. Si vous devenez professeur, vous transmettez les valeurs de la République. Et si vous ne les transmettez pas et si même vous militez contre les valeurs de la République, éventuellement sortez de ce métier », a-t-il martelé. En résumé, l’école de Blanquer, tu l’aimes ou tu la quittes.
Obsession
Qu’entend-il exactement par les « valeurs de la République », invoquées à tout bout de champ ? Sur le site du ministère de la rue de Grenelle, il est indiqué qu’elles désignent « la laïcité, la citoyenneté, la culture de l’engagement et lutte contre toutes les formes de discrimination ». Mais il y a fort à parier que Blanquer vise ici la laïcité, son grand cheval de bataille. Son obsession même, (...)
Lire aussi :
Faut-il épurer la fonction publique enseignante ? (Paul DEVIN
Syndicaliste FSU, inspecteur de l’Education nationale)
(...)
À en croire le ministre de l’Education nationale, il y a d’un côté ceux qui respectent les valeurs de la république et de l’autre côté ceux « qui ont des problèmes avec ». Or, explique-t-il, avoir des problèmes avec les valeurs de la république, c’est autorisé si vous êtes citoyen mais pas si vous êtes fonctionnaire, parce que dans ce cas vous devrez quitter votre métier ! Et de menacer que si « ça n’avait pas été assez clair dans le passé, ça allait être désormais très clair dans le présent et dans le futur »
C’est ce que Jean-Michel Blanquer a exprimé cet après-midi devant les référents laïcité, chargés de former les enseignants sur le sujet.
La radicalité de la formulation n’a pas pour autant exclu quelque simplisme démagogique et fruste : « si vous voulez devenir plombier et que vous avez un problème avec les tuyaux, vous devez choisir un autre métier ». (...)
une étape nouvelle est franchie qui semble en appeler, cette fois-ci, à une épuration de la fonction publique.
Car les formulations choisies par le ministre ne visent manifestement pas la seule situation de fonctionnaires qui bafoueraient ouvertement les lois républicaines et les valeurs démocratiques. Elle se situe dans la droite ligne de déclarations préalables évoquant ces enseignants « qui avancent masqués » et dont Jean-Michel Blanquer estimait devoir dénoncer, dans un inquiétant amalgame, « la violence politique, l’antisémitisme, le radicalisme et le racialisme[2] » (...)
Est-ce qu’enseigner la responsabilité de notre république dans les violences et les dominations coloniales et post-coloniales relèvera désormais d’enseignants ayant des problèmes avec la république ?
Est-ce que montrer que notre république est loin d’être capable de rendre effectifs les principes d’égalité qu’elle énonce désignera un enseignant devant quitter son métier ?
Est-ce que considérer que l’accueil des migrants relève du principe de fraternité sera passible de sanctions ?
Les statuts de 1946 et de 1983 ont cherché à construire une dialectique des droits et des obligations qui permet l’existence de fonctionnaires citoyens. Y renoncer, nous ramènerait vers le statut d’avant, celui de 1941 qui définissait la discipline des subordonnés comme une soumission nécessaire, une obéissance pleine et entière. « Plus d’angles morts », a dit le ministre cet après-midi pour caractériser le nouvel état d’esprit qui devra être engendré par les formations à la laïcité lancées aujourd’hui. (...)
Puisque Jean-Michel Blanquer aime citer Jean Jaurès… recommandons lui la lecture du commentaire que Jaurès a écrit de cette affirmation de Condorcet : « à vrai dire, c’est la liberté intellectuelle, le sens partout développé de la dignité de la science et du droit de la pensée qui ôteront aux pouvoirs politiques la tentation d’opprimer la vérité, comme ils ôteront aux maîtres la tentation d’avilir, au-delà de ce qu’exige la force du vrai, les pouvoirs en qui ils trouvent le respect pour la liberté[4] ».
Manifestement tous les républicains n’ont pas la même conception des valeurs de la république.