
Le collectif, qui compte 18.000 adhérents, multiplie les coups d’éclat : occupation d’une école abandonnée par des centaines d’exilés, installation d’une légion de tentes place de la République... Ses actions polémiques suscitent la colère des autorités.
« Cette association, ce qu’elle veut, c’est mettre l’État en difficulté. » Cette source administrative a du mal à l’admettre, mais Utopia 56 fait office de « poil à gratter » dans la gestion des flux migratoires en France. Inconnue du grand public, l’association pro-migrants, née des images de la mort du petit Aylan en 2015, s’illustre pourtant régulièrement à la une des médias, et ce, dans l’ombre des réfugiés qu’elle prétend protéger. (...)
« On nous décrit comme des manipulateurs, comme des extrémistes... C’est faux ! Notre seul objectif, c’est de montrer ceux qui sont dans la rue, les réfugiés comme les SDF », nous affirme de son côté Yann Manzi, cofondateur de l’association controversée. L’ancien régisseur du festival des Vieilles Charrues se « demande si ce n’est pas l’État qui ne respecte pas la loi. Je le vois, au quotidien, lors de nos maraudes : des tentes saccagées, des remises à la rue récurrentes... Je me pose des questions ! Les policiers, on les respecte, mais certains nous méprisent, explique-t-il, évoquant sa garde à vue de septembre dernier, qui s’était soldée par un rappel à la loi. Mais surtout, on respecte le droit, et la devise nationale : liberté, égalité, fraternité. » (...)
« Ce n’est pas normal que la France, un des pays les plus riches du monde, où il existe suffisamment de logements chauffés, n’abrite pas tout le monde », déplore-t-il. En cinq ans, les capacités d’hébergement en France ont pourtant doublé, passant de 55.000 places à 107.000.
Apolitique ou d’extrême-gauche ?
Le père de famille breton, qui s’est lancé avec son fils début 2016, après avoir aidé durant trois semaines l’association Salam dans la jungle de Calais, pointe du doigt une volonté politique : « On ne les héberge pas car ça fait des années qu’on a une forte montée du nationalisme, avec un électorat d’extrême-droite qui contraint les politiques à considérer négativement les exilés. Personnellement, je les considère comme une chance, une richesse. Il faut cesser d’agiter le chiffon brun du nationalisme. » (...)
« On est habitué à ce que vous (les médias, NDLR) nous enfermiez dans une catégorie, c’est aussi le jeu des politiques. Nous, nous ne sommes que des lanceurs d’alerte » (...)
L’association appelle tout un chacun à la rejoindre, via son site web. Le collectif organise aussi des collectes (vêtements, produits hygiéniques, smartphones...) et propose à ses internautes d’héberger des « exilé.e.s ». Côté financement, un minimum de 10 euros est demandé aux personnes voulant devenir bénévole, ce qui représenterait à terme 70% des fonds d’Utopia 56. Les 30 derniers pour cents proviendraient d’entreprises, de fondations ou d’autres associations.
Relations associatives compliquées
Puisque Utopia 56 est financée par des acteurs privés, Yann Manzi se vante d’une liberté de ton que n’auraient pas d’autres organisations. « Avec les associations financées par l’État, on est parfois en total désaccord sur certains sujets, admet-il. Elles facilitent une sorte de business social, comme la trêve hivernale, qui se répète chaque année. Tout n’est pas à jeter chez elles, attention, mais il faut remettre certaines choses à plat. » (...)