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Ungersheim, un village où la transition écologique ne convainc pas tous les habitants
Article mis en ligne le 19 décembre 2015
dernière modification le 15 décembre 2015

La commune alsacienne d’Ungersheim est montrée comme exemple de la transition écologique en France. Les réalisations et les projets, surprenants par leur nombre, leur envergure et leur audace, doivent beaucoup au maire du village mais ne séduisent pas la totalité de ses 2.000 habitants.

(...) La potasse, minerai rose orange, est bien connue des agronomes : elle est l’un des trois engrais miracles de l’agriculture – le trio « NPK » –, avec l’azote et le phosphore. Ungersheim en a exporté dans le monde entier, participant ainsi à la révolution agricole productiviste. Aujourd’hui son maire, Jean-Claude Mensch, ancien mineur, montre l’exemple de la transition vers une société décarbonée. (...)

La reconversion du bassin potassique a été comme une première transition, dans les années 1990. Des PME-PMI sont venues s’implanter, reprenant une partie du personnel. « Cela s’est bien passé parce qu’il y a eu anticipation », explique Jean-Claude Mensch. Passé par la JOC (jeunesse ouvrière chrétienne), la CGT (Confédération générale du travail), membre du CHSCT (Comité hygiène et sécurité…) de la mine pendant 15 ans, il est maire d’Ungersheim depuis 1989. « Au début, mon engagement était social. La première mission, c’est la défense des défavorisés, l’altruisme, le respect de l’autre. »
Foisonnement d’idées

Cet engagement, il le poursuit notamment à travers le développement d’une Maison des jeunes et de la culture (MJC) qu’il préside pendant de nombreuses années. Jusqu’à ce que le nombre d’adhérents dépasse celui des habitants dans le village. La MJC propose des activités sportives, culturelles et artistiques.

Jean-Claude Mensch, 69 ans aujourd’hui, dit avoir toujours nourri des convictions écologiques, notamment en militant contre la centrale nucléaire de Fessenheim. Mais c’est lentement qu’elles infusent dans la politique municipale. En commençant par la piscine construite par ses prédécesseurs, chauffée à l’électricité, et donc au nucléaire. Le maire étudie alors plusieurs solutions, avant de choisir le chauffage solaire : « En 2000, on était parmi les pionniers sur cette technologie. » (...)

Le nombre et l’ampleur de ces initiatives, pour un petit village de 2.000 habitants, ne manquent pas d’étonner. Tout comme le fait que c’est la mairie qui en est à l’origine. Alors quoi, le poids des règles, de l’administration, des partis politiques, de l’électorat, ne seraient pas si paralysant qu’on se plaît à le dire ?

Réponse du maire : « Humainement, politiquement, ça va très vite quand on prend conscience que notre pouvoir peut être un levier de mise en œuvre de la transition. Gouverner, c’est prévoir, anticiper, innover. Et le courage politique est sanctionné favorablement, si on démontre à la population l’intérêt de ce qu’on fait. » Quant aux partis : « Ils vous bouffent votre espace vital », glisse-t-il en pensant à EELV, dont il a été membre un temps. (...)

Toutefois, et même si le maire continue d’être apprécié, les quelque 2.000 Ungersheimois ne se sont pas tous convertis à l’écologie. Un certain nombre semblent rester indifférents à toute cette « transition ». « Si ça peut être utile à la commune, si ça peut créer des emplois… Il faut voir ce que ça donnera », hésite Claude, croisé dans la rue principale. (...)

D’autres sont plus sévères, comme Joseph, qui s’occupe des jeunes au club de foot : « Ça coûte très cher tout ça, pour le plaisir d’une personne. » Il nous raconte la distance qui s’est progressivement créée entre le maire et une partie du village. Chaque année, à l’Ascension, une « fête du cochon » rassemble des milliers de personnes, durant une semaine : « La mairie a voulu imposer de la choucroute bio. Mais ça n’a pas marché, on en a vendu 50, sur 4.000 ou 5.000 repas en tout. »

La transition ne fait pas rêver tous les Ungersheimois. Et lors des élections régionales, la liste du FN est arrivée en tête. Par contre, la transition rayonne aux alentours, jusqu’à Mulhouse et Colmar. Les citadins, qui prennent les paniers du Trèfle rouge et investissent dans l’écohameau, ne sont pas pour rien dans la réussite de la petite commune. Tout comme les entreprises installées ici depuis la fermeture des mines, qui ont contribué à sa prospérité. L’une d’elles, Amcor, imprime des paquets de cigarettes. (...)

Si les projets vont bon train, survivront-ils à ce visionnaire de maire ? En 2014, alors qu’il était en poste depuis 25 ans, il aurait hésité à se représenter. « La relève n’était pas assurée, les projets pas finalisés, les vautours attendaient », se défend-il. Au second tour des dernières cantonales, c’est l’abstention qui était en tête avec 55 % des inscrits, devant le Front national, à 55 % des votants.

Comment, alors, réduire la distance entre les uns et les autres ? Entre la transition municipale et les préoccupations quotidiennes des administrés ? (...)