
Le Relais, acteur majeur de la collecte textile en France, est en crise depuis plusieurs mois. Face à l’augmentation de vêtements donnés, l’entreprise d’insertion assure n’avoir plus les moyens de remplir sa mission. À Saint-Hilaire-lez-Cambrai, les salariés s’inquiètent pour leur avenir.
Mi-juillet 2025, plus de 22 300 bennes de collecte de vêtements du Relais ont débordé pendant plus d’une semaine partout en France, à la suite d’un mouvement de protestation contre le manque de financement. Si la collecte a repris, le centre de tri de Saint-Hilaire-lez-Cambrai, lui, n’a jamais cessé de fonctionner. « On a tellement de stock qu’on peut encore tenir plusieurs jours comme ça », confie Jean-Louis Gaillard, responsable du site.
Ce mouvement de colère n’est pas une surprise. « Depuis le début de l’année, on n’arrête pas d’alerter Refashion qu’on n’y arrive plus. On est obligés de puiser dans nos réserves pour payer les salaires », explique le directeur du centre. Refashion est un éco-organisme, société privée à but non lucratif, dont la gouvernance est assurée par les grands groupes du secteur : H&M, LVMH, Etam, Decathlon, entre autres. À chaque vêtement acheté en France par un consommateur ou une consommatrice, quatre centimes d’écotaxe sont perçus. Sur cette somme, Le Relais ne touche que 0,8 centime. Une contribution jugée aujourd’hui insuffisante pour couvrir les frais. (...)
Alors que le système de consommation est de plus en plus saturé – les Français·es achètent en moyenne 42 articles par an selon Refashion – la fast-fashion multiplie les volumes. Celle-ci a un impact direct sur la qualité des dons. « Tout ce qui vient de Chine est de mauvaise qualité, déplore Jean-Louis Gaillard. Il y a vingt-cinq ans, on sortait 8 à 9 % de qualité boutique. Aujourd’hui, on est à 5 %. On a perdu la moitié. » La « qualité boutique », ce sont les vêtements jugés en bon état, qui pourront être revendus dans les magasins Relais. Un déclin qui fragilise d’autant plus le modèle économique du Relais, la qualité boutique représentant l’une de ses principales sources de financement. Pour le reste, 90 % du textile récolté est « valorisé » sous différentes formes, par exemple transformé en isolant pour habitation, en énergie, en chiffon ou encore transféré en Afrique dans différents points de vente ou de tri.
Agnès Pannier-Runacher a tranché
Depuis plusieurs mois, Le Relais et ses salarié·es se mobilisent pour obtenir une revalorisation du prix de la tonne de textile triée. Actuellement fixée à 156 euros, Refashion propose de la porter à 192 euros, alors que Le Relais réclame de monter le prix à un peu plus de 300 euros. « On ne l’a pas inventé. C’est un cabinet indépendant qui a réalisé un audit et qui affirme que le tonnage doit être rémunéré à cette hauteur pour que l’on s’en sorte », souligne Jean-Louis Gaillard. Faute d’avancer dans les négociations, les salarié·es ont intensifié la mobilisation. Partout en France, les 22 309 conteneurs n’ont plus été collectés, et des actions coup de poing ont eu lieu, comme le déversement de plusieurs tonnes de vêtements sur les parkings de grandes enseignes à l’instar de Decathlon.
Depuis des années, les salarié·es constatent la dégradation continue de la qualité des dons (...)
Toutes et tous s’accordent : si Le Relais disparaît, retrouver du travail dans la région relèvera de l’exploit, même en parcourant des kilomètres. (...)
faire passer un message aux grandes entreprises qui siègent au conseil d’administration de Refashion : « Il faut qu’ils prennent conscience qu’il y a des humains derrière. Ils ne peuvent pas éliminer plus de 3 000 personnes comme ça, du jour au lendemain. S’ils faisaient un effort, pour nous ça changerait tout. On ne vivrait plus dans l’angoisse. Et pour eux, ça ne changerait strictement rien. Ils auront toujours de l’argent. »
La ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a récemment tranché entre les deux parties : elle a demandé à Refashion un soutien exceptionnel de 49 millions d’euros pour Le Relais. Il sera versé le 15 août. Selon le directeur, sans cette aide immédiate, l’entreprise n’aurait pas pu assurer les salaires d’août (...)
« On va pouvoir tenir jusqu’à la fin de l’année, je pense. Mais en janvier, je ne sais pas ce que ça va donner. » (...)
Le Relais est une société coopérative regroupant des entreprises à but socioéconomique. Cette coopérative emploie plus deux mille salarié·es en France et près de mille salarié·es sur le continent africain. « L’objectif, c’est de donner du travail, de former des gens qui sont parfois très éloignés du monde professionnel », explique le chef d’atelier. Sur les 130 salarié·es du centre, 80 % sont en CDI, 20 % en contrat d’insertion. Chacun et chacune a conscience de ne pas travailler dans une entreprise comme les autres. Toutes et tous parlent d’une « famille », au sein de laquelle chacun·e veille sur l’autre. (...)
Et pour préserver cette structure, les salarié·es n’hésitent pas à s’engager au-delà de leurs horaires. « On fait des braderies le week-end, on organise plein de choses. On sait que notre patron fait tout pour nous sauver, alors on fait aussi notre part », explique Delphine, arrivée au Relais il y a trente ans. (...)