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Une occasion manquée
Article mis en ligne le 4 juillet 2020
dernière modification le 3 juillet 2020

Avant de développer un peu plus loin, faisons un peu d’histoire récente. L’éclatement des supports et plate-formes de communication étant ce qu’il est, chaque chapelle va de son petit récit ci et là. Mais il est important de replacer dans un temps plus long ce qui se passe pour gagner en profondeur dans l’analyse politique et sociétale. Sur les chaînes d’information continue certains idéologues disposent d’une tribune quotidienne pour consolider leurs développements. Les journaux télévisés du soir tentent de sauvegarder leur crédibilité et légitimité historique de conteurs d’histoires, non sans un certain succès grâce à des analyses parfois plus profondes et utiles, en tout cas pour ce qui est du service audiovisuel publique. Les grands titres de la presse écrite s’affrontent à grand coup de titres, parfois plus racoleurs qu’autre chose, avec dans leur sillage les nouveaux arrivants sur internet. Certaines maisons indépendantes arrivent à rythmer la vie médiatique et tirer leur épingle du jeu grâce à de croustillantes enquêtes pour tenter de nous éclairer sur tels ou tels scandales liés à des trafics d’influences, à la corruption et aux dysfonctionnements de la grande machine énarco-étatique. Parmi tout cela le discours des politiques au pouvoir n’impriment plus, victimes d’un cocktail composé de cet éclatement généralisé d’un côté, de leur absence totale de vision de l’autre, le tout assaisonné des techniques manipulatrices notoires les plus cyniques, avec un zeste - voir une bonne louche - de mauvaise foi et de déni.

le mouvement social des Gilets Jaunes, qui a émergé en réaction à une taxe sur les carburants, est en réalité une manifestation éclatante de l’intelligence collective d’une nation qui a senti intuitivement que la direction prise est fondamentalement mauvaise. Cette réaction est donc la conséquence directe de ce flou idéologique absolu. Face à un mouvement qui a malgré la répression résisté au temps précisément car les racines du mécontentement étaient profondes, l’une des tentatives expérimentales trouvées pour tenter de créer un espace de dialogue citoyen a été la mise en place de la Convention Citoyenne pour le Climat de 150 personne tirées au sort.

La Convention n’appartient à personne

Que l’on ne se trompe donc pas, ce sont bien les revendications de citoyens étant courageusement et patiemment, voir quasi-religieusement, descendus dans la rue pendant de longs mois, qui sont à l’origine de cette convention inédite. (...)

La Convention nous appartient donc tous, et en premier lieu à ceux qui ont battu le pavé en se faisant dégommer les dents et les yeux, et c’est justement à ce titre que l’un de ses principaux enjeux était de la pérenniser, de continuer de la penser, et de tenter de véritablement la doter.

Un embryon encore à faire naitre (...)

Qui pourrait naïvement croire que 6 mois de travail, aussi sérieux soient-ils, puissent suffire à ré-orienter 200 à 300 ans d’histoire sans manquer de respect temps et à sa mystique ? N’importe quelle personne s’intéressant à la question de la durabilité de notre mode de vie sur Terre sait au fond d’elle-même que le sujet est d’une grande complexité (...)

La chambre du futur

Un des intervenants appelé par la convention a venir s’exprimer à sa tribune l’avait bien compris. Bien que l’on puisse légitimement penser qu’il fasse parfois preuve d’une certaine naïveté et d’un manque de bouteille en ce qui concerne la chose politique aux vues de ces prises de position récentes et de ces choix passées, c’est Nicolas Hulot, il faut le lui reconnaitre le mérite, qui leur a soufflé l’idée lors de la 3ème séance fin 2019. L’idée d’affirmer et de rappeler que de toute façon il faudra bien plus de temps pour faire ce travail de réflexion et de débroussaillage collectif, et de donc de justement pérenniser la convention et le travail entamé en soumettant sa création par un vote par référendum. Car si l’issu du vote est positif, c’est bien là d’une 3ème chambre - « Chambre du Futur », ou « Assemblée du Temps Long » - dont nous pourrions tous nous doter. (...)

Car alors que la presse et les médias - fameux « 4ème pilier des démocraties » - ne jouent pas comme ils le devraient leurs rôle de contre-pouvoir car en partie controlés par les puissances d’argent et gangrénés par la précarité, pouvons-nous réellement nous permettre d’attendre indéfiniment le grand chantier de rénovation de l’information ? Chantier qui pourrait par exemple permettre la mise en place de la mutualisation par la cotisation, chantier lui-même sous condition d’un pouvoir en place favorable à cet orientation, pouvoir dont l’arrivée est lui-même favorisé par cette même presse. Et ainsi de suite. La fameuse histoire du serpent, mais celui qui ne se mord jamais la queue.

Spéculons gratuitement

Finalement, après 6 mois, ce sont presque 150 propositions qui ont été faites par la convention citoyenne, c’est-à-dire beaucoup. Parmi elles deux seraient sujettes à référendum, notamment concernant l’introduction de la protection environnementale dans la constitution. Savoir par quel bout commencer, comment prioriser, ou bien faire des choix stratégiques demande une compréhension profonde de la situation dans laquelle nous nous trouvons : en tant qu’Humanité, en tant que continent, en tant que nation, en tant qu’individu. Il est donc bien entendu vain d’attendre quoi que ce soit de la part d’une caste - une secte - de savoir comment faire, si tant est qu’elle dispose d’un début de volonté nécessaire pour avancer sur le sujet. Quant à sa liberté… Prenons-les paris : à part deux ou trois propositions faciles à mettre en place et agissant comme poudre aux yeux, rien ne sera mis en œuvre profondément. Allons encore plus loin : aucun référendum n’aura lieu. Le poisson sera noyé à la rentrée de septembre car le fameux récit médiatique déversera comme d’habitude son lot de nouvelles histoires, de nouvelles péripéties. (...)

le bloc bourgeois n’y aurai aucun intérêt. Et aussi justement aucun mécanisme de fonctionnement n’a été décidé, aucune prise de rendez-vous n’a été actée. Car tous ces détails - le diable s’y trouve - c’est la société qui devraient s’en emparé et être débattu lors de l’hypothétique campagne d’avant-référundum.

Une idée encore neuve

Mais la vie est longue, la mystique de l’Histoire est tenace, et que « rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est venue » (Victor Hugo). (...)

Et après la grossière erreur de lecture faite après les Gilets Jaunes - c’est-à-dire tenter à tout prix de faire passer une réforme des retraites injuste au forceps - les ratages deviennent une habitude, plutôt gênante à ce niveau de décision. Sans même parler des casseroles remplies de scandales et d’affaires à répétition concernant le trafic d’influence, les atteinte à la séparation des pouvoirs, et l’autoritarisme policier. Sans aborder non-plus les conditions dans lesquelles cette convention a été organisée et s’est terminée, notamment comment elle a pu être influencée à travers son comité de gouvernance. Un sujet qui mériterait une analyse profonde.

Néanmoins, peut-être reste-t-il assez de temps à la coalition unitaire qui va devoir se mettre en place à gauche pour débattre de cette idée dans les temps à venir. Et, qui sait, faire peut-être encore mûrir lentement un fruit encore un peu vert, et comprendre qu’avec lui cette union souhaitée par beaucoup pourrait redonner envie à un bon nombre d’électeurs de reprendre le chemin des urnes. Leurs donner envie de se rassembler largement pour imaginer un futur à nouveau transcendant.