
Un courrier des services de la Préfecture leur a confirmé un droit au logement opposable depuis mai et le dossier devrait être étudié fin août. Pendant ce temps, la famille Polintsova témoigne de son désarroi.
Deux ronds-points avant d’arriver au centre de Saint-Jean-d’Illac en venant de Bordeaux, sur la droite, les allées des Dunes mènent vers la résidence Les Villages d’Or et le Campus d’Illac. De l’autre côté de la route, faisant face à ces récentes construction, se déploie le bois communale qui entoure la Jalle. Le cadre est bucolique et les habitants de ce nouveau quartier profitent d’un environnement verdoyant à quelques mètres de la très passante avenue de Bordeaux.
Une autre voie, perpendiculaire aux allées des Dunes, s’enfonce dans le bois. Les riverains l’empruntent pour une balade ou pour un footing. Quelques mètres plus loin, un drap est suspendu entre deux arbres où on peut lire :
« Nous sommes une famille d’Ukraine. Nous remercions les habitants de Saint-Jean-d’Illac pour leur aide, ainsi que la police ! Combien nos enfants vont-ils souffrir ? »
Le temps de déchiffrer les lettres écrites à la peinture rouge, sortent du bois Mark et Oksana Polintsova, avec, passant d’un bras à l’autre, Olivier, 1 an, suivis d’Oskar, 8 ans, et German, 11 ans. Leurs enfants. (...)
Comment une famille de réfugiés ukrainiens avec trois enfants mineurs en est arrivée là ?
« Nous avons cherché des solutions depuis notre arrivée en 2020, explique Serge Brettes, adjoint aux solidarités de Saint-Jean-d’Illac. Nous avons proposé des logements où la famille devait payer une partie du loyer, comme une transition pour un accès au bail. Mais les défauts de paiement se sont accumulés et la famille est retournée à la rue mais elle est suivie par notre CCAS (Centre communal d’action sociale). »
Une association s’est alors constituée, avec le soutien de l’élu, pour leur venir en aide et a recueilli de quoi permettre l’achat d’une caravane. (...)
Stationnée allées des Dunes, la caravane sert aujourd’hui à garder les affaires et contient un empilement d’habits.
« Il n’y a pas la place pour nous tous et il y fait très chaud. Le petit se réveille souvent la nuit et empêche les autres de dormir », raconte Oksana.
La mère de famille se presse d’extraire quelques dossiers des cartons. Disposés à même le bitume, des attestations et des courriers permettent d’apprendre que la famille a quitté la ville ukrainienne où elle vivait, Donetsk, en 2014. C’est le début de la guerre du Donbass qui a opposé le gouvernement ukrainien à des séparatistes pro-russes et à la Russie. Mark travaillait dans une banque, Oksana dans une pharmacie, avec une formation d’économiste.(...)
Faisant partie de la vague d’immigration ukrainienne après le début du conflit au Donbass, Mark et Oksana, tous les deux russophones, comme une grande partie des habitants de cette région, suscitent des soupçons.Faisant partie de la vague d’immigration ukrainienne après le début du conflit au Donbass, Mark et Oksana, tous les deux russophones, comme une grande partie des habitants de cette région, suscitent des soupçons. (...)
« On nous a dit d’aller en Russie, que la Pologne ne pouvait pas accueillir tout le monde, poursuit Mark. Ils n’ont pas voulu nous donner des papiers. On nous a pris pour des ukrainiens séparatistes pro-russes. »
La famille poursuit son exode jusqu’en Allemagne où ses trois membres sont enregistrés, en 2015, comme demandeurs d’asile. (...)
Déboutée de sa demande, la famille de quatre personnes désormais vit sans papiers malgré l’obligation de quitter le territoire. Chassée par la police, elle prend un train pour la France et arrive à Bordeaux en 2017. A la Préfecture de la Gironde, ils sont enregistrés en 2021. (...)
Enfants sans papiers
A Bordeaux, Mark et Oksana obtiennent une carte de séjour. Aucun statut officiel n’est accordé aux enfants qui sont tout de même scolarisés. La famille passe d’un logement provisoire à un autre, hébergement d’urgence et squat. En 2022, le couple a un troisième enfant, Olivier.
C’est l’année où Mark et Oksana Polintsova veulent régulariser la situation des enfants. Le dossier est confié à maître Thibault Saint-Martin. Dans un courrier envoyé au consulat d’Ukraine, l’avocat demande un certificat consulaire pour leur permettre de répondre aux conditions du Ministère de l’intérieur français et obtenir un document de circulation sur le territoire. (...)
Parallèlement, une démarche pour obtenir un logement est faite via le CCAS de Saint-Jean-d’Illac auprès de la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités. Un courrier du 4 mai 2023 leur accorde un droit au logement opposable : « M. Polintsova est reconnu prioritaire et devant être accueilli dans un logement de transition ou dans un logement foyer ». (...)
Une issue fin août ?
Le courrier à la main, la mère de famille ne cache pas son impatience. Son regard fatigué dit toute son incompréhension de la situation. « On nous retire des produits des aides alimentaires du CCAS parce qu’on n’a pas de frigo pour les conserver », ajoute-t-elle.
Contactée, la Préfecture de la Gironde annonce par mail que la famille Polintsov « a une reconnaissance de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), en date du 26 mai 2023, qui lui accorde le bénéfice de la protection subsidiaire pour les quatre prochaines années ». Une protection subsidiaire est attribuée à l’étranger qui ne remplit pas les conditions d’obtention du statut de réfugié et qui prouve qu’il est exposé dans son pays à l’un des risques suivants. La famille Polintsov devrait ainsi avoir le titre de séjour correspondant.
Quand au logement, « le dossier de cette famille est suivi par la MDS (Maison du département des solidarités) du territoire et devrait être examiné fin août par le CCAS de Mérignac ». « Il faut encore attendre ? » conclut Mark Polintsov avec une expression d’agacement. (...)