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Mediapart
Une enquête embarrassante pour Jean Castex a été stoppée juste après sa nomination à Matignon
Article mis en ligne le 25 août 2020

Des investigations judiciaires portant sur la gestion de déchets dans la communauté de communes présidée par Jean Castex ont été stoppées le 6 juillet, trois jours après sa nomination aux fonctions de premier ministre. La prochaine audition devait concerner un des vice-présidents de Jean Castex, qui est aussi un membre de sa famille.

L’abandon des investigations a été brutal et inexpliqué, rapporte une source proche du dossier. (...)

Les enquêteurs suspectent plusieurs infractions au code de l’environnement (pollution) et au code du travail (travail illégal) dans l’exploitation de ces bennes, dont la gestion a été confiée depuis plusieurs années à deux familles de Prades dans des conditions opaques. Le système est en place depuis au moins 2008, année de la première élection de M. Castex à la tête de la mairie, même si les services du premier ministre insistent sur le fait qu’il a hérité d’une situation antérieure, « bien avant son élection comme maire ».

Après l’audition, au mois de juin, d’un fonctionnaire en charge de la gestion des déchetteries de la communauté de communes, les investigations devaient se prolonger pour évaluer la responsabilité des pouvoirs publics dans le déploiement des bennes, a précisé une source proche du dossier à Mediapart. Ce qui aurait inévitablement exposé, au moins politiquement, Jean Castex. (...)

La municipalité de Prades a déjà fait l’objet d’un rappel à la loi, en janvier, dans un premier volet de l’enquête. La commune s’est vue dans l’obligation de remettre en état un terrain qui lui appartient sur lequel étaient illégalement entreposés des déchets et de la ferraille. Matignon évoque une « décharge sauvage très ancienne », existant « bien avant » l’élection de M. Castex en 2008 et « dont aucun élu ne connaissait l’existence », car « elle était recouverte de végétation ». L’existence de cette décharge serait « apparue » à la suite d’une montée des eaux.

Le second volet de l’enquête, qui est plus spécifiquement centré sur l’exploitation d’une casse à Prades, est lui en cours d’analyse depuis l’arrêt des investigations. Le parquet peut décider de classer l’enquête, de renvoyer le dossier devant le tribunal correctionnel, ou de poursuivre les investigations en nommant un juge d’instruction.

En parallèle de la procédure judiciaire, la communauté de communes, qui regroupe 45 communes pour un total de 21 000 habitants, a publié, le 15 juillet, un appel d’offres visant à trouver de nouveaux exploitants pour les bennes à ordures. Le marché porte notamment sur les déchetteries de Prades et de Vernet-les-Bains, deux localités ciblées par l’enquête en cours. (...)

Jusqu’alors, les métaux étaient pris en charge par deux ferrailleurs issus de la communauté gitane de Prades, qui se sont vu octroyer le marché de manière informelle. Ils ramassaient toutes les semaines la benne installée à l’intérieur même de la déchetterie de Prades, et stockaient les matériaux sur des terrains, en zone naturelle, que la mairie leur avait cédés. (...)

Subitement écartés du marché dont ils jouissaient depuis plus d’une décennie, les exploitants des bennes disent aujourd’hui leur incompréhension face au revirement des pouvoirs publics. (...)

« Si cette histoire ne se résout pas, je vais devoir quitter ma maison », déplore Lind Rey, l’un des deux exploitants. Cet homme de 60 ans déclare faire face à de « grandes difficultés financières » depuis qu’il ne peut plus installer sa benne. Le premier ministre dit d’ailleurs « regretter profondément » les conséquences de la « structuration de la filière », qui « va pénaliser une famille très modeste ». (...)

« Qui sont les fautifs ? Ce sont eux ou nous ? Ce sont eux qui ont les pleins pouvoirs », poursuit M. Baptiste, en considérant avoir « été abandonné » par les élus : « Ils se sont servis de nous, et maintenant ils nous jettent comme des Kleenex. »