
L’association Attac, qui vient de terminer sa douzième Université citoyenne à Toulouse, appelle à une « campagne éclair » contre la ratification du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire (dit « Pacte budgétaire »). Il va effectivement falloir faire vite puisque le gouvernement est décidé à le faire adopter le mois prochain par le Parlement. L’enjeu est de taille puisque ce pacte instaurera la « règle d’or » budgétaire, c’est-à-dire l’interdiction de dépasser 0,5 % de déficit public par rapport au PIB. Cette règle est une sorte de « règle de trois verrous ».
Premier verrou : pour réduire les déficits déjà existants aujourd’hui, tous les gouvernements envisagent de comprimer les dépenses publiques et sociales. Le résultat est assuré : à la récession s’ajouteront la récession et les injustices associées, ainsi que l’accroissement des écarts de productivité entre les pays.
Deuxième verrou : un déficit autorisé de 0,5 % du PIB représente pour la France (qui a un PIB d’environ de 2000 milliards d’euros) 10 milliards par an. C’est une marge de manœuvre qui équivaut à une miette au regard des énormes investissements publics qu’il faudra mettre en œuvre (...)
Troisième verrou : les deux premiers verrous portent la marque de l’inefficacité garantie, le troisième exprime l’absurdité logique de l’idéologie économique libérale puisque des investissements de long terme devront être financés uniquement sur le revenu courant et non par l’emprunt (...)
L’énormité de cette absurdité oblige à rappeler encore une fois que tout développement économique, qu’il soit destructeur tel celui imposé par le capitalisme ou qu’il soit de qualité tel qu’il le faudrait pour initier une bifurcation sociale et écologique, nécessite un accompagnement monétaire par le crédit et donc par l’endettement. C’est là que réside le tour de force idéologique des classes dominantes d’avoir réussi à délégitimer l’idée même que la collectivité (État, collectivités locales) pouvait emprunter pour préparer l’avenir. (...)
Le tour de force est aussi un coup de force en refusant d’envisager la moindre évolution de la Banque centrale européenne (BCE) en empêchant qu’elle devienne un véritable prêteur en dernier ressort, c’est-à-dire en direction de la collectivité et pas seulement en faveur des banques privées et des autres institutions financières qui nous ont plongés dans la crise. La même obstruction se constate avec le refus de doter le Mécanisme européen de stabilité (MES) du statut bancaire, de façon qu’il puisse se refinancer auprès de la BCE. Tel qu’il est prévu, il ne le pourra pas et sera obligé, pour aider les États en difficulté, d’emprunter sur les marchés financiers qui garderont la main.[1] (...)
L’Union européenne est en crise parce qu’elle s’est inscrite dans la transformation du capitalisme mondial dont l’impasse est aujourd’hui totale. Autrement dit, la crise européenne est la déclinaison régionale du double dérèglement planétaire dont la dissimulation n’est plus possible. (...)
Le premier dérèglement est celui d’un mode de production incapable de donner à la finance de plus en plus exigeante la base dont elle a besoin pour s’approprier une rente toujours croissante.
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Le second dérèglement planétaire est le « dual » (comme on dit en mathématiques) du premier. C’est celui d’un mode de production incapable désormais de concevoir une trajectoire d’accumulation du capital infinie parce qu’il se heurte à la crise écologique, notamment au mur des ressources naturelles, c’est-à-dire aux limites de la planète.
Pourquoi ce dérèglement est-il le dual du premier ? Parce que sans exploitation de la force de travail, c’est-à-dire sans bras et sans têtes, celle de la nature est impossible, et parce que sans les ressources de la nature, l’exploitation de la force de travail n’a pas de base matérielle.
Cette imbrication explique le caractère systémique de la crise générale qui frappe à des degrés divers, sous des modalités diverses, toutes les sociétés. (...)
nous ne sommes pas isolés : parmi les mouvement sociaux, au sein du Collectif pour un audit citoyen de la dette, à Attac, chez les « Économistes atterrés », à la Fondation Copernic, dans certains syndicats et partis politiques, les conditions d’une unité véritablement populaire sont réunies.[2] Pour paraphraser un mot célèbre, il faut choisir entre la bifurcation sociale et écologique ou la barbarie néolibérale.