
Les États-Unis imposent désormais 15 % de droits de douane aux produits européens entrant sur leur territoire, invoquant un déficit de la balance commerciale des biens de 200 milliards d’euros en 2024. Mais l’Union ne semble pas vouloir réagir à propos de son déficit commercial dans les services, pourtant tout aussi abyssal puisqu’il s’élève à près de 150 milliards d’euros la même année.
(...) En effet, si les Américains nous achètent des voitures, des avions, des produits pharmaceutiques ou du cognac, nous leur achetons massivement leurs services numériques, et en particulier ceux des grandes plateformes numériques. Google réalise ainsi 27 % de son chiffre d’affaires en Europe et Meta 23 %.
Toutes les tentatives nationales ou européennes de taxer les immenses profits réalisés en Europe par les GAFA se sont révélées un échec depuis plus de dix ans, faute d’une capacité à appréhender le caractère évanescent de leur présence territoriale. Le projet international le plus avancé était celui dit « BEPS 2.0 » de l’OCDE et du G20, qui prévoyait une imposition minimale des multinationales de 15 %. Cependant, cet accord a été dénoncé par Donald Trump — les États-Unis ont finalement été exemptés de cette imposition minimale lors du G7 du 26 juin 2025. (...)
Une solution fiscale à une impasse politique
Pour rétablir une forme d’équilibre dans les relations commerciales transatlantiques, dans un contexte fiscal orwellien — le protectionnisme, c’est le libre-échange ; l’équilibre, c’est le déséquilibre —, il conviendrait d’explorer une voie qui n’a pas été suffisamment empruntée en Europe depuis dix ans : celle de la taxation des services numériques par la TVA.
Grâce à cette taxe, l’Europe pourrait rétablir l’équilibre des échanges transatlantiques sans modifier l’architecture des traités internationaux, ni celle des règlements et directives européennes. Il suffirait simplement de le vouloir : comme souvent sur notre continent, en effet, le principal obstacle ne vient pas de nos adversaires, mais de nous-mêmes.
Comment faire ? En soumettant à la TVA la valeur générée par les plateformes numériques en Europe, tout simplement. Cette mesure peut sembler contre-intuitive, car l’utilisation de ces plateformes est généralement gratuite et semble donc sans valeur marchande. Mais c’est pourtant logique, à condition d’accepter de dépasser quelques idées reçues.
La première erreur serait de considérer que, ces services étant gratuits, il n’y a rien à taxer. Cette représentation est totalement erronée, comme en témoignent les milliards de dollars de bénéfices des GAFA (...)
la plateforme vend ses services à l’utilisateur, et l’utilisateur lui vend l’accès aux contenus qu’il produit, aux données et traces qu’il laisse, ainsi qu’à sa disponibilité et à sa participation au réseau. Il suffit de constater l’existence de cette valeur pour qualifier l’échange de marchandise (...)
L’Empire de l’ombre. Guerre et terre au temps de l’IA
