
Cet été, la ministre de la Justice a annoncé vouloir "sortir du fantasme" selon lequel les Centres éducatifs fermés (CEF) constituent "la" solution en matière de délinquance juvénile, alors même que François Hollande s’était engagé à doubler leur nombre. Christiane Taubira s’est dite favorable aux solutions d’accueil en milieu ouvert, où le taux de non-récidive serait selon elle de 80%. Par ailleurs, le tribunal correctionnel pour les adolescents de 16-18 ans récidivistes va être supprimé. Laurent Gebler, juge pour enfants au TGI de Bordeaux, nous apporte son éclairage sur ce sujet complexe.
"A chaque fois qu’il y a un projet de loi sur la délinquance juvénile, la passion l’emporte sur la raison", regrette Laurent Gebler. Vice-président du tribunal pour enfants de Bordeaux, il a écrit cet été un ouvrage éclairant sur la question "Le traitement judiciaire de la délinquance des mineurs". C’est un état des lieux de l’ordonnance du 2 février 1945, qui a été depuis modifiée 35 fois ! "Dans les années, 90, par exemple, avec les problèmes dans les cités, on est partis du postulat que les jeunes commettaient des délits de plus en plus jeunes et étaient plus violents. Mais, ce postulat n’a jamais été vérifié", avance-t-il. Chiffres à l’appui, Laurent Gebler nous explique que depuis les années 70 juqu’aux années 2010, le nombre de délits commis par des mineurs a été multiplié par 2,5. Pour lui, cela est surtout lié à une judiciarisation de notre société et des politiques qui ont transformé certains faits en délit comme le rassemblement dans un hall d’immeuble... "Mais, la délinquance des majeurs a augmenté dans les mêmes proportions sur la même période... A la fin des années 2000, on condamne moins de mineurs qu’en 1985, alors qu’il y a plus de procédures", précise-t-il. Aujourd’hui, seuls 18% des délits sont le fait de mineurs. (...)