
1. A quel âge les enfants deviennent-ils conscients de la couleur de peau ? Quand commencent-ils à y attacher certains préjugés ?
Les enfants reconnaissent dès la maternelle la couleur de la peau : marron, rose, jaune… sans connotation hiérarchique ou péjorative. L’acquisition des préjugés, et surtout de la discrimination, se fait avec la socialisation à l’école, dans les familles et autres lieux. Frantz Fanon, un des premiers auteurs à avoir articulé une réflexion sur le poids politique du regard et de la couleur de la peau, l’explique très bien dans son ouvrage « Peau noire, masques blancs ». Lorsqu’un enfant dit en le voyant : « Oh… un Noir ! », quelque chose se noue dans le regard. Il ne dit pas « Oh, un homme marron », ce qui ne serait rien d’autre que la constatation d’une différence. Cet enfant vient de reconnaître un Noir, avec tout ce que cela comporte de représentations sociales. C’est à ce moment-là qu’on entre dans un processus d’assignation. Et en effet, même les enfants peuvent porter ce regard.
2. Est-ce que les réflexions racistes d’un enfant viennent forcément de ses parents ?
Non, pas du tout. Contrairement à l’idée reçue, ce n’est nécessairement la faute des parents. Un enfant peut être raciste alors que ses parents ne le sont pas. Même dans des milieux multiculturels, on n’échappe pas à ces questions. Des enfants peuvent avoir des réflexions racistes à l’égard de leurs proches, voire même des membres de leur famille, parce qu’ils n’ont pas la « bonne » couleur. Cela montre que très jeune on hérite d’une histoire qui a créé des hiérarchies entre les êtres humains en fonction de la couleur de la peau.
Cela passe par notre vocabulaire, par les images véhiculées dans les médias, par la société dans laquelle nous baignons. Je n’appellerais pas cela un « inconscient collectif » mais plutôt un « insu collectif », car nous ne soupçonnons même pas ce qui se joue à travers nous et à travers les mots que nous utilisons.
3. Comment réagir face aux réflexions racistes de nos enfants ?
La différence est un point de questionnement pour les enfants, qu’elle soit sexuelle ou d’apparence (je pense, par exemple, aux enfants souffrant d’un handicap). Ce qui est troublant, c’est quand de cette différence ils font une hiérarchie. Dans les cours de récréation, à l’abri du regard des adultes, enfants et adolescents expérimentent la cruauté et transforment parfois leurs constats de différence en expérience de violence. Il revient alors aux adultes de faire un travail d’éducation (...)