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Trump nomme Tillerson : prémices d’une contre-révolution énergétique mondiale ?
Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France.
Article mis en ligne le 18 décembre 2016
dernière modification le 17 décembre 2016

La nomination du PDG d’ExxonMobil est une prise de pouvoir sans précédent des intérêts privés sur l’appareil d’État. Promoteur d’un désolant « humanitaire des énergies fossiles », Tillerson veut reléguer l’urgence climatique au second plan et re-légitimer les multinationales du secteur. N’est-il pas temps d’exiger une séparation ferme entre l’Etat et les lobbys fossiles ? Explications

Après avoir nommé des climato-sceptiques notoires à la tête de l’Agence de protection de l’environnement et du ministère de l’énergie, d’ex-banquiers de Goldman Sachs et d’autres figures peu recommandables à des postes clefs de son gouvernement, Donald Trump vient d’officialiser l’arrivée de Rex Tillerson à l’équivalent étatsunien du poste de ministre des Affaires étrangères. C’est à lui qu’échoit donc la charge de représenter les Etats-Unis dans le cadre des négociations de l’ONU sur le réchauffement climatique, et plus largement celle de défendre les intérêts des Etats-Unis – et de leurs multinationales – à l’échelle internationale.

Beaucoup d’articles de presse reviennent sur les liens avérés de l’actuel PDG d’ExxonMobil avec la Russie de Poutine : des contrats de plusieurs dizaines de milliards de dollars ont été signés pour des projets d’exploitation dans les îles Sakhaline, dans la mer de Kara, en Sibérie occidentale ou encore dans la Mer noire. Ce qui a conduit Tillerson à déplorer les sanctions économiques américaines envers la Russie en 2014, décidées en représailles de l’intervention russe en Crimée.

Le réchauffement climatique n’est pas prioritaire

ExxonMobil, une des plus puissantes multinationales de la planète, est la major du pétrole qui a financé avec le plus de ferveur et de constance les négationnistes du climat, alors qu’elle avait connaissance de la gravité du réchauffement depuis plus de quarante ans. Ce qui lui vaut deux enquêtes des procureurs généraux de New York et du Massachussets. Officiellement ExxonMobil n’est plus dans le déni : Rex Tillerson admet l’existence du réchauffement climatique. (...)

Pas au point néanmoins d’envisager stopper, ou même ralentir, l’exploitation de ses gisements. L’objectif n’a pas changé. (...)

C’est la version moderne appliquée aux énergies fossiles du « il n’y a pas d’alternative » (There is no alternative, TINA), rendu célèbre par Margaret Thatcher dans le domaine économique. La planète brûle, les écosystèmes sont dévastés et la pérennité de l’espèce humaine n’est pas assurée, mais, pour ExxonMobil, et plus largement pour les multinationales de l’énergie, il n’y aurait pas d’alternative que d’accroître la production et la consommation d’énergies fossiles. Et ce, au nom des 1,3 milliards de personnes qui n’ont pas accès à l’électricité. (...)

« Une prise de pouvoir sans précédent des intérêts privés sur l’appareil d’État »

D’ExxonMobil à Total, en passant par BP, les scénarios des multinationales pétrolières et gazières font comme si le mix énergétique mondial pourrait toujours majoritairement reposer sur les énergies fossiles en 2030, 2040 ou même 2050. (...)

comme l’explique Olivier Petitjean sur le site de l’Observatoire des multinationales : « il ne s’agit plus seulement d’influencer les régulations et d’entraver les tentatives de réforme de l’administration » mais « dorénavant les autorités publiques sont confiées à ceux là même qui ont consacré leur carrière à les combattre ». C’est « une prise de pouvoir sans précédent des intérêts privés sur l’appareil d’État ».

Un renversement d’alliance

Ce virage va-t-il se limiter aux Etats-Unis ? Rien n’est moins sûr. (...)

Miguel Arias Cañete, commissaire européen en charge de l’énergie et de l’action climatique, n’est-il pas lié au secteur pétrolier et gazier et n’est-il pas l’un des artisans de la contre-révolution énergétique européenne en cours ?7 En France, que fera Patrick Pouyanné, actuel PDG de Total et soutien officiel de François Fillon – dont il a déjà été directeur de cabinet en 1995-96 – si ce dernier venait à gagner la présidentielle ? Que deviendront les lobbyistes pro-gaz de schiste jusqu’ici marginalisés ?

L’élection de Donald Trump ouvre la voie à un profond renversement d’alliance : après des années de marginalisation des paroles niant le réchauffement climatiques ou son importance, Trump offre aux forces capitalistes accros aux énergies fossiles une position de repli facile qui leur permettrait de prolonger leurs rentes quelques années supplémentaires, plutôt que s’engager dans une transition énergétique hasardeuse pour leurs profits futurs. Qui plus est dans une période marquée par la hausse progressive des prix du pétrole, qui rendent rentables des investissements restés dans les cartons. (...)

A court terme, une triple exigence pourrait conduire à nous faire avancer collectivement :

prôner une séparation ferme entre l’Etat – et plus largement les dépositaires de l’intérêt général – et les lobbys des énergies fossiles ;

exiger des sanctions internationales – et mettre en œuvre des sanctions symboliques via des opérations de boycott – envers l’abandon et la non-mise en œuvre de politiques climatiques ambitieuses ;

montrer que la transition énergétique crée bien plus d’emplois qu’elle n’en détruit (ce que nous ferons très bientôt) ; (...)